Enlisée dans la violence, la Libye risque de faire basculer la région dans une instabilité durable. La raison vient du fait que le nouveau gouvernement libyen ne parvient toujours pas à imposer son autorité. Conséquence : deux ans après la révolution, le pays est coupé en plusieurs territoires (Misrata, Barqa, Djebel Nefousa, Zouwara, Zentan, la zone du Sud avec les Toubous, etc.). Et ces «territoires» sont contrôlés par des milices armées constituées par des éléments tribaux. A cela il faut ajouter de nombreux conflits entre tribus. Voilà, grosso modo, ce qu'est la Libye d'aujourd'hui. Si ce climat d'insécurité continue, le pays risque de retrouver son isolement, comme c'était le cas du temps de Mouammar El Gueddafi. Un temps où la Libye était qualifiée d'«Etat voyou». Pas plus tard qu'hier d'ailleurs, quinze soldats libyens ont été tués dans une attaque armée contre un point de contrôle situé au sud-est de Tripoli. La tuerie s'est produite au niveau de la région d'Al Malti, qui est située entre Tarhouna et Bani Walid. L'agence libyenne Lana, qui a confirmé l'attaque, a fourni un bilan de 15 morts et 5 blessés, ajoutant que la route entre Tarhouna et Bani Walid a été fermée à la circulation. Les membres des forces de sécurité libyennes, en cours de formation, sont régulièrement la cible d'attaques, en particulier dans l'est du pays. Eu égard à l'anarchie ambiante et surtout à l'incapacité des nouvelles autorités libyennes à assurer une sécurité minimum dans les villes, de nombreux diplomates ont décidé de plier bagage. C'est le cas notamment des représentants russes, dont la représentation diplomatique a été attaquée la semaine dernière à Tripoli. Cette attaque s'ajoute à plusieurs autres ciblant des ambassades et diplomates étrangers en Libye, comme celle ayant visé, le 11 septembre 2012, le consulat américain à Benghazi, au cours de laquelle l'ambassadeur des Etats-Unis, Chris Stevens, et trois autres Américains avaient été tués. Plus récemment, un attentat à la voiture piégée contre l'ambassade de France à Tripoli a fait deux blessés parmi les gendarmes français le 23 avril. Ce climat d'insécurité a d'ailleurs contraint la plupart des diplomates et expatriés à quitter la ville de Benghazi, devenue, après la révolte libyenne de 2011, le fief des islamistes extrémistes. Maintenant, moins d'une dizaine de pays ont gardé des représentations dans la ville. A l'ouest du pays, le topo est le même. Des milliers de criminels, libérés par le régime de Mouammar El Gueddafi en 2011, courent toujours dans la capitale, où braquages et enlèvements sont enregistrés quotidiennement. Les autorités promettent régulièrement d'améliorer la sécurité des représentations diplomatiques, en créant notamment un organe de «sécurité diplomatique», mais les services de sécurité mal formés et indisciplinés se trouvent souvent désarmés face à des assaillants mieux armés et plus décidés qu'eux. Plusieurs chancelleries ont ainsi décidé de prendre elles-mêmes des mesures, soit en déménageant dans l'un des deux hôtels sécurisés de la capitale, ou en s'installant dans des «villages» sécurisés, tout en réduisant leur personnel au strict minimum. Par mesure de sécurité aussi, les écoles internationales et les instituts culturels étrangers ont été soit fermés, soit mis en veilleuse. En un mot, la Libye est devenue invivable.