La Mission d'appui des Nations unies en Libye (Manul), qui a vu sa mission prolongée d'une année, invite les miliciens libyens à s'exprimer par des moyens pacifiques par “respect aux objectifs d'une révolution dans laquelle ils ont joué un rôle décisif". Ce ton conciliant est en lui-même significatif de la situation explosive dans la Libye post-Kadhafi. Les milices armées, qui ont jusqu'ici plus ou moins épargné la capitale, occupent les sièges de plusieurs ministères dont ceux de la Justice, des Affaires étrangères et de l'Intérieur, ainsi que des locaux d'autres institutions de l'Etat. Leurs porte-parole, s'il en est, ont expliqué qu'ils veulent contraindre le Parlement libyen à adopter une proposition de loi pour débarquer les responsables de l'ère Kadhafi des postes au sein du gouvernement. Certains chefs de guerre ont carrément revendiqué des places dans les représentations étrangères. Alors que les pays qui ont organisé et réalisé la chute du régime de Kadhafi, en avril 2011, sous l'égide de l'Otan, continuent de croire en leur processus de transition démocratique avec l'appui, justement, de la Manul, tout le monde sait que la Libye n'a pas arrêté de s'enliser. Deux ans après sa “révolution", le pays a beau avoir un gouvernement et un Parlement est, aujourd'hui, coupé en cinq zones : Misrata, Barqa, Djebel Nefusa et Zouwara, Zentan, la Zone du Sud avec les Toubous. Entre les mains de milices constituées soit par des éléments tribaux disposant chacune de leur propre armée, comme dans les quatre premières zones. Et plus inquiétant pour la région dans son ensemble, le pays a vu les groupes djihadistes proliférer, activant à visage découvert, notamment depuis que la France de François Hollande a chassé, sinon diminuer les capacités de nuisance des islamistes du nord du Mali. Selon divers sources concordantes, ces groupuscules composés de fuyards d'Aqmi, du Mujao et d'Ansar Dine, se seraient rabattus sur la Libye où justement des Touareg de la légion étrangère de Kadhafi s'étaient copieusement servis en armements avant de rejoindre l'Adrar des Ifoghas dans le Nord-Mali, aux frontières avec l'Algérie et du Niger. Ces milices toutes tendances confondues, revendiquant la paternité de la guerre contre le régime quarantenaire de Kadhafi, assurer leur mainmise sur les villes, les quartiers et les édifices publics conquis par la force des armes. Elles ont de ce fait une emprise directe sur la vie des citoyens, il ne leur reste plus qu'à l'étendre sur les instituions où elles ont déjà un pied, notamment dans les administrations de proximité et les entreprises publiques, via des comités d'“isolation", principalement constituée d'islamistes. Les récents attentats, dont celui contre l'ambassade française à Tripoli marque bien une évolution dans le mode opératoire de ces milices. Tout rappelle ce qui se passe en Irak, y compris la cause tribalo-religieuse. A qui profite cette évolution ? Sûrement pas aux marionnettistes occidentaux du “printemps" de Tripoli auxquels la donne djihadiste est plutôt un danger mortel pour leurs intérêts économiques et géostratégiques. Par contre, tout concourt à pointer du doigt le Qatar dont les velléités de mettre le grappin sur le voisinage de la Libye sont un secret de Polichinelle. En outre, tout le monde sait que le richissime émirat du Golfe finance à tour de bras les mouvements islamistes radicaux. Certaines milices libyennes d'obédience salafiste veulent instaurer exclusivement la charia et n'hésitent pas à s'en prendre aux tombes des marabouts ou à la communauté chrétienne. Comme à Tombouctou où du temps des islamistes, des observateurs avaient relevé l'actionnariat d'ONG soi-disant humanitaires du Qatar. Et, ce n'est pas également un secret : le Qatar, en dépit des apparences, a toujours souhaité mettre l'Algérie dans ses poches. La Tunisie inquiète également l'émir du Qatar, son poulain Ennahda n'étant plus dans sa superbe face au réveil de la société sécularisée qui a repris son combat pour instaurer un régime démocratique en barrant la route au projet théocratique de Ghannouchi et des siens. Comme il faut se garder de perdre de vue que durant le soulèvement contre Kadhafi de février 2011, les islamistes djihadistes étrangers ont indéniablement encadré les manifestants libyens. Des éléments d'Al-Qaïda et particulièrement d'Al-Qaïda au Maghreb islamique étaient venus prêter main-forte à leurs frères libyens. En outre, la Libye de Kadhafi a été aussi une grande fabrique de djihadistes, dont le numéro deux d'Al-Qaïda, Abou Yahya El-Libi, tué au Pakistan par un drone américain en juin 2011, Soufiane Al-Quma, un autre Libyen a été le chauffeur personnel d'Oussama Ben Laden. D. B Nom Adresse email