L'attaque contre l'ambassade russe à Tripoli a mis en évidence l'incapacité des nouvelles autorités libyennes à assurer la protection des chancelleries et diplomates étrangers dans un pays en proie à une anarchie persistante. Cette attaque qui a fait deux morts parmi les assaillants et a poussé Moscou à évacuer le personnel de son ambassade, s'ajoute à plusieurs autres ciblant des ambassades et diplomates étrangers en Libye, comme celle ayant visé le 11 septembre 2012 le consulat américain à Benghazi (est) au cours de laquelle l'ambassadeur des Etats-Unis, Chris Stevens, et trois autres Américains avaient été tués. Plus récemment, un attentat à la voiture piégée contre l'ambassade de France à Tripoli a fait deux blessés parmi les gendarmes français le 23 avril. Ce climat d'insécurité a contraint la plupart des diplomates et expatriés à quitter la ville de Benghazi, bastion de la révolte libyenne de 2011 et fief des islamistes extrémistes, où les diplomates et représentations diplomatiques ont été particulièrement visés. «Moins d'une dizaine de pays ont gardé des représentations dans la ville», regrette le consul d'un pays africain en poste à Benghazi. «Malgré le climat d'insécurité, nous ne bénéficions d'aucune protection», indique-t-il sous couvert de l'anonymat. «Nous avons quelques agents de sécurité, mais ils ne peuvent rien faire en cas d'attaque. Donc nous essayons d'être le plus discrets possible et nous échangeons régulièrement des informations avec nos collègues qui restent sur place pour prévenir tout danger», a-t-il dit. «Nous comprenons l'inquiétude des représentations diplomatiques. Nous faisons de notre mieux pour améliorer leur sécurité. Mais comme tout le monde le sait, nous passons par une période de transition difficile», a déclaré le ministre des Affaires étrangères Mohamed Abdelaziz. Les autorités promettent régulièrement d'améliorer la sécurité des représentations diplomatiques, en créant notamment un organe de «sécurité diplomatique», mais les services de sécurité mal formés et indisciplinés se trouvent souvent désarmés face à des assaillants mieux armés et plus décidés qu'eux. Plusieurs chancelleries ont ainsi décidé de prendre elles mêmes des mesures, soit en déménageant dans l'un des deux hôtels sécurisés de la capitale, ou en s'installant dans des «villages» sécurisés, tout en réduisant leur personnel au strict minimum. Ceux qui en ont les moyens, comme les Américains, ont construit leurs propres sites ultra-sécurisés. Par mesure de sécurité aussi, les écoles internationales et les instituts culturels étrangers ont été soit fermés, soit mis en veilleuse. «Si ce climat d'insécurité continue, le pays va retrouver son isolement comme c'était le cas du temps d'El Gueddafi», quand le pays fut considéré comme un «Etat voyou», déplore Imad Ajaj, un analyste politique spécialiste dans les relations internationales. «Nous avons besoin de la communauté internationale, pour nous aider de reconstruire le pays après 42 ans de dictature sous Mouamar El Guedddafi et après un conflit qui a détruit les infrastructures du pays», dit-il. Les diplomates et expatriés font face par ailleurs depuis quelques mois à une recrudescence inquiétante d'actes criminels, en particulier à Tripoli. Ainsi, plusieurs diplomates ont été victimes de braquages, la plupart du temps en plein jour. «L'insécurité devient de plus en plus inquiétante. Nous vivons depuis quelques semaines cloîtrés chez nous. Nous sommes loin de nos familles et nous travaillons et nous dormons dans les même locaux. C'est déprimant», se plaint un diplomate occidental. «Nous avons des consignes pour ne plus sortir sauf de jour et en cas de nécessité», a-t-il ajouté sous couvert de l'anonymat.