C'est la comédie du printemps. Le casting est assuré par le FLN. Le comédien principal qui apparaît sous les lumières est le MSP.La thématique est variable, le fond constant : exiger le départ du gouvernement Ahmed Ouyahia. Aucune raison logique n'est avancée pour expliquer cette demande. Abdelaziz Belkhadem occupe les espaces pour tantôt parler de « la révision de la Constitution », tantôt critiquer le chef de l'Exécutif. La nouvelle recette est qu'en tant que responsable du RND, Ahmed Ouyahia ne « peut pas » préparer les élections législatives de 2007. Trouvaille curieuse, puisque le FLN n'a pas été choqué lorsque Ahmed Ouyahia avait organisé la présidentielle de 2004 en tant que chef du gouvernement. Il avait également fait campagne pour le candidat Abdelaziz Bouteflika. Candidat soutenu par le FLN. En 2002, ce parti n'a pas trouvé d'inconvénient à ce que Ali Benflis, son secrétaire général et chef de gouvernement, organise les élections législatives et locales. Plus loin encore, le FLN n'a pas élevé la voix pour dénoncer le fait qu'il soit majoritaire à l'APN et qu'il ne gouverne pas. Ce n'est que ces derniers temps que certains responsables de ce parti ont donné l'impression de découvrir cette bizarrerie installée dans les mœurs politiques algériennes sans que cela fasse scandale. La majorité parlementaire ne gouverne pas en Algérie. Le président de la République, qui n'est pas choisi par un parti, mais par des décideurs de l'armée, gère le pays sans majorité au Parlement. A l'époque du général Liamine Zeroual, la majorité a été préfabriquée à travers le RND, qui trois mois après sa naissance, est sorti vainqueur aux législatives de 1997, et à l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika, le FLN a pris le relais. En 2004, le RND, autant que le FLN et le MSP ont accepté de ne pas présenter de candidats à la présidentielle. Volontairement ou pas, ils ont cautionné un autre candidat, celui choisi « d'en haut ». Confirmant la perte d'autonomie, ces trois partis ont créé ce qui ressemble à une « Alliance » qui, au lieu d'avoir un programme, sert uniquement à « appliquer » le projet du président de la République. Les projets des trois partis ont été bien rangés au placard, signalant ainsi l'existence d'un pluralisme de façade. Les chefs des trois partis s'oublient parfois et font des déclarations qui vont dans tous les sens. Les divergences évidentes sur la nécessité ou non de réviser la Constitution - idée jetée comme un os dans la marmite nationale, l'été 2005 - est la parfaite illustration de cette image de fausses noces. Autant dire que l'Alliance présidentielle, perçue comme un château de chocolat créé pour meubler un vide politique, né de l'absence de démocratie, a cessé d'exister pour la simple raison qu'elle ne sert plus à rien. Les fameuses réunions de cette alliance ne sont qu'une autre variante du spectacle de l'illusion. Il est impensable que Abdelaziz Belkhadem et Bouguerra Soltani s'attaquent, par petite touche, à Ahmed Ouyahia puis se retrouvent avec lui après autour d'une tasse de thé. Quand il ne joue pas le rôle du ministre des Affaires étrangères-bis, Abdelaziz Belkhadem passe le plus clair de ses journées à critiquer le chef du gouvernement et à essayer de convaincre les journalistes que des groupes « travaillent » au FLN. Attaché à sa culture « suiviste », Bouguerra Soltani s'adapte à la tendance et recycle le discours anti-Ouyahia. Le plus surprenant est qu'on a poussé le ridicule, au MSP et au FLN, à parler de « motion de censure » du gouvernement à l'APN. Ces deux formations, qui sont partie prenante au gouvernement avec plus de 20 ministres, se comportent comme des représentants de l'opposition. Participer à un Exécutif signifie ceci : assumer la réussite ou l'échec. Autant dire qu'il n'y aucun crédit à accorder aux menaces du FLN et du MSP de recourir à « la motion de censure » qui est, avant tout, un acte de courage politique. Par le passé, les députés n'ont jamais recouru à ce mécanisme de défiance. Et, il y a fort à parier qu'ils ne vont pas le faire à l'avenir tant que l'APN demeure ligotée et sans grandes prérogatives. Autre fait étonnant : la volonté du FLN d'empêcher le gouvernement de présenter à l'APN la déclaration de politique générale. Abdelaziz Belkhadem n'a présenté aucune explication rationnelle à cette demande. Sollicité, le bureau de l'APN n'a fixé aucune date à cette présentation. Amar Saâdani, président de l'APN, a réagi, dans cette affaire, en simple militant du FLN et non pas en tant que premier responsable d'une assemblée parlementaire à représentation nationale. Saâdani, qui s'affiche de plus en plus à côté de Belkhadem, ne s'exprime plus au nom de l'ensemble des représentants du peuple de l'APN mais au nom d'un parti. Quels sont les moyens pour limiter ce genre de dérive ? La loi est muette. Pire, le FLN et le bureau de l'APN violent d'un manière claire la Constitution. Celle-ci prévoit, dans l'article 84, ceci : « Le gouvernement présente annuellement à l'Assemblée populaire nationale une déclaration de politique générale. La déclaration de politique générale donne lieu à un débat sur l'action du gouvernement. » Traduction : le gouvernement est obligé de présenter, chaque année, son bilan. Ni le chef de l'Etat, ni l'un de ses représentants, ni aucune autre force ne peuvent s'opposer à cette obligation constitutionnelle. A moins qu'on se soit accordé, quelque part à installer le pays dans une zone de non-droit. A ce moment-là, il faut le dire clairement pour éviter, au moins, au pays une crise inutile. De plus, le chef du gouvernement et le président de la République doivent soumettre le bilan de leurs activités, quel que soit la méthode, au contrôle populaire. Sauf si le but est de consacrer le pouvoir sans partage.