La salle Ibn Zeydoun a accueilli dimanche la générale de la pièce Madame Derbouka et Essi El Macho, écrite, scénographiée, chorégraphiée et mise en scène par Mohamed Badawi, également journaliste, auteur (Neuf moi, nouvelles chez Chihab, 2005) et atteint d'une sérieuse et sympathique tendance universaliste. Servie par, à notre gauche, Abdelkrim Benkharfallah, campant le macho algérois ambivalent, drabki de profession, à notre droite Nibel, ou Madame Derbouka, femme au foyer, d'apparence soumise, mais tentée par la révolution des mœurs et des cœurs dans le sillage de l'émancipation de la femme. Le duo se transforme en duel charriant les débats mysogénie-féminisme, avec des digressions sur le cas Adam-Eve, revisité avec humour et originalité. Le public suit. Le duo marche. La langue de tous les jours algérois aussi. Badawi a su exploiter la richesse d'un parler marginalisé par les planches nationales, institutionnelles. La marge justement : Badawi n'en a pas eu beaucoup pour monter son spectacle. Les seigneurs des planches algérois n'ont daigné lui accorder un centimètre carré d'espace pour les répétitions. Il risque ainsi de rejoindre les pestiférés, morts et vivants, interdits des planches officielles telles que Kateb Yacine. Revenons à ce que n'a pu gâcher la gabegie des seigneurs censeurs des planches publiques : la pièce elle-même. Le jeu des deux acteurs, le réglage des répliques, le minutage des séquences musicales (Carmen, Carmina Burana, flamenco, derbouka, etc.), le décor, tout aide à scotcher le spectateur en manque de pièce qui lui parle directement. Chez Badawi, on évoque la religion, les armes de destruction massive, le Mouloudia, l'immigration chinoise, l'AADL, l'amour, le quartier, le berwali, Bush, la polygamie et Einstein. On vous l'a dit, Badawi est un incorrigible universaliste.