Le jeune blogueur de Tlemcen, Abdelghani Aloui, est emprisonné depuis le 25 septembre à Alger. El Watan Week-end a retrouvé la trace des photomontages qui ont conduit la justice à l'accuser d'outrage à corps constitués et d'atteinte à la personnalité du président de la République et pour lesquelles il risque 2 à 5 ans de prison. A la fin du mois de septembre, la gendarmerie s'inquiète de l'existence sur facebook d'un groupe intitulé «L'armée électronique libre». Sur cette page, une multitude d'individus publient caricatures, photomontage, critiques ou coup de cœur sur l'actualité nationale et internationale. Le ton y est satirique, les membres du gouvernement, les forces de sécurité algériennes mais aussi les acteurs politiques internationaux y sont raillés. On y voit notamment un photomontage où les visages d'un groupe de personnes en fauteuil roulant ont été remplacés par ceux du nouveau gouvernement Sellal. Certaines vidéos publiées affichent également leur soutien à certains militants des droits de l'homme algériens. Mais la gendarmerie a décidé de s'intéresser particulièrement à Abdelghani Aloui, 24 ans, à la tête de la page «L'armée électronique libre». Ce jeune de Tlemcen a pour pseudo Malik Liberter sur les réseaux sociaux. Il a un compte facebook personnel ; il est l'auteur de plusieurs vidéos sur la plateforme YouTube. Les gendarmes se présentent à son domicile et perquisitionnent sa chambre. Ils récupèrent l'ordinateur du jeune homme, absent, et laisse à son intention une convocation auprès du tribunal d'Alger pour le surlendemain. Lorsque Abdelghani Aloui rentre chez lui et découvre la convocation, il supprime son compte facebook personnel. Terrorisme Il se rend à Alger, et lors de l'audience, le procureur décide de retenir contre lui l'accusation d'atteinte à la personne du président de la République, d'outrage à corps constitués mais aussi celle «d'apologie du terrorisme». Nous sommes le 25 septembre. Le jeune homme est immédiatement placé en détention. A partir de ce jour-là, les internautes membres de la page facebook «L'armée électronique libre» tentent d'alerter le public en demandant chaque jour la libération du jeune homme et en publiant sa photo. Sans succès. Des rumeurs circulent. On aurait arrêté un jeune homme accusé d'avoir piraté des sites internet gouvernementaux. Des organisations internationales contactent des journalistes algériens pour en savoir plus. Inconnu Mercredi, le blogueur est entendu pour la seconde fois par la justice. Son avocat, Amine Sidhoum, dénonce alors publiquement des accusations qu'il juge «sans fondement». «Les juges parlent d'apologie du terrorisme, mais ils se basent sur un cache-nez qu'ils ont retrouvé chez lui, c'est ridicule», déclare-t-il. Dans le milieu militant comme sur les réseaux sociaux, l'accusation d'apologie du terrorisme ne convainc pas. «Ils visent des gens que personne ne connaît et les accusent d'être des islamistes. Avec ça, ils savent que l'opinion publique ne s'émeut pas», explique le militant de Laghouat, Yassine Zaïd, qui avait lui aussi été arrêté et condamné pour diffamation pour un texte écrit sur son blog en 2007. «L'objectif est de faire peur à tous ceux qui s'expriment, ajoute-t-il. Le respect de la loi n'a aucune importance. Est-ce qu'on les a déjà vu réagir aux vidéos et messages d'appel au meurtre contre des militants des droits de l'homme ?» Âne Le photomontage incriminé par la justice ressemble pourtant à de l'humour quotidien. Plusieurs sources évoquent une image du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, affublé d'oreilles d'âne. Dans l'une des images, on verrait le président Abdelaziz Bouteflika faire du bouche-à-bouche au président français. El Watan Week-end n'a pas réussi à trouver ces documents. En revanche, celle qui a conduit au chef d'inculpation d'outrage à corps constitués (image ci-dessus) représente une fausse image de la télévision, où il est annoncé que l'Algérie débute les tirs contre Israël. Sur l'image, un avion de chasse lâche des pastèques. En haut à droite, le président Bouteflika est hilare. La défense du blogueur va demander sa remise en liberté. Une troisième audition devant le pôle pénal spécialisé est prévu dans les prochain jours. Abdelghani Aloui risque entre 2 et 5 ans de prison.