Comme à chaque année, durant l'Aïd El Adha, l'agitation s'empare de plus belle des rues d'Alger où le bélier devient, l'espace de quelques jours, roi d'Alger, aux côtés, soit dit en passant, des rémouleurs qui sortent leur attirail d'affûtage. Bien que les autorités aient désigné des sites réglementaires pour la vente de mouton, des locaux se transforment en étables - une aubaine à ne pas rater - permettant à leurs propriétaires et gérants compris de multiplier de substantiels gains au mépris, bien sûr, des mises en garde que lance, peine perdue, l'autorité vétérinaire. Les pouvoirs publics, eux, ferment l'œil sur ce type d'infraction, et laissent les maquignons et les sans-emploi agir sans coup férir sur la place publique, avec des lots de têtes ovines dont la mercuriale flambe. Par ailleurs, bien que cette année il semble qu'il y ait moins d'anarchie dans les axes routiers où, habituellement, les revendeurs obstruent par endroits la circulation automobile, les quartiers de la capitale, en revanche, ne dérogent pas à la règle de «pousse-toi que je m'y mette». Ils se mettent au carillon ou participent à la fièvre du maquignonnage et autres intermédiaires sans scrupules qui mettent le feu à... la toison du bélier. C'est un filon aussi pour les petits revendeurs qui plantent leur décor, en squattant trottoirs et jardins pour refiler le «quatre-pattes» à l'acheteur qui tient à répondre davantage aux caprices de son enfant, à défaut d'obéir au sens rituel profond de l'acte du «noussouk» enseigné par Sidna Ibrahim El Khalil. Les bambins meublent leurs occupations en suivant la foulée du ruminant sur l'asphalte que «garnissent» bottes de foin et crottes. Le ruminant broute tout sur son passage dans la supposée ville qui, à bien des égards, se ruralise. Il n'est pas rare de voir, d'ailleurs, certains parcs - en guise de pâturage - littéralement envahis par une escouade de garnements entraînant une procession de moutons ornés de henné qu'ils exhibent fièrement. Cela ne nous donnerait pas moins l'idée de mettre la puce à l'oreille à nos architectes et autres aménagistes pour qu'ils introduisent dans leur concept un aménagement dans ou autour des pâtés d'immeubles pour rendre moins crades les lieux publics, surtout le jour du sacrifice où les agents de Netcom auront toutes les peines à débarrasser le plancher des ballots de restes de nos «kbech».