Consacrée par la Constitution et les différentes lois de la République, la liberté d'expression est de nouveau menacée en Algérie. Les internautes sont scrupuleusement épiés et des journalistes réprimandés, rappelés à l'ordre, risquant même des poursuites judiciaires. Un avis exprimé contre le quatrième mandat pour le président Bouteflika ou la critique d'une situation politique donnée peuvent valoir la prison à leurs auteurs. Le pouvoir récidive. Chassez le naturel… Plusieurs faits enregistrés, ces dernières semaines, le confirment. Le cas du jeune blogueur Abdelghani Aloui est une preuve que le pouvoir ne s'accommode pas avec la liberté d'expression. Pour avoir publié sur son compte facebook des caricatures et des photomontages du président Bouteflika, ce jeune homme a été arrêté et mis sous mandat de dépôt le 25 septembre dernier. Il est accusé d'«atteinte aux corps constitués et d'«apologie du terrorisme». Avant lui, un autre jeune blogueur, Rafik Maameri, qui avait appelé au boycott des élections législatives du 10 mai 2012, avait été, lui aussi, arrêté et mis en prison. Le musellement de la liberté d'expression ne se limite pas aux réseaux sociaux et à l'internet. Il s'étend également à la presse qui est en train de revivre la situation qui avait prévalu durant la période où l'état d'urgence était en vigueur (avant 2011). En effet, pour une chronique publiée dans les colonnes de notre confrère El Khabar dans laquelle il commentait la dernière audience accordée par le président Bouteflika au vice-ministre de la Défense, Saad Bouakba a été pris à partie par le MDN. Ce dernier menace même de le poursuivre en justice pour atteinte à l'Armée nationale populaire. Avant lui, le directeur de publication des deux quotidiens, Mon Journal et Djaridati, Hichem Aboud, a été poursuivi en justice pour avoir parlé de la santé du président de la République à des médias étrangers. Le chef d'inculpation retenu contre lui est lourd : «atteinte à la sûreté de l'Etat». «Le système confond critiques et diffamation» Ces deux journaux ont été poussés, après avoir été privés de ressources financières, à mettre la clé sous le paillasson. La situation risque de s'aggraver d'autant que la conjoncture politique actuelle rappelle celle ayant précédé l'élection présidentielle de 2004 où la presse nationale avait connu un des plus sombres moments de son histoire. Une période où des journalistes étaient menacés quotidiennement de poursuites judiciaires. Le pouvoir veut-il étouffer toutes les voix qui s'opposent à son entreprise visant à maintenir le statu quo politique ? Selon l'avocat et militant des droits de l'homme Mokrane Aït Larbi, «le système refuse toujours la liberté d'expression du citoyen». «La loi interdit l'injure et la diffamation. Mais il y a un problème d'interprétation des textes. Le système confond critique et diffamation», déclare-t-il. L'avocat déplore, dans ce sens, le manque d'action des ligues des droits de l'homme et des partis politiques qui, selon lui, n'agissent pas au quotidien contre les atteintes aux droits de l'homme. Pour sa part, le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), Boudjemaâ Ghechir, constate une grave régression en matière de liberté d'expression. «Il y a un retour à la mainmise de l'Exécutif sur la vie du citoyen. Au nom de la loi sur la criminalité informatique, les réseaux sociaux sont surveillés. C'est ainsi que le jeune Aloui a été signalé à partir d'Alger», explique-t-il. Me Ghechir met aussi en garde contre le retour à la censure à travers le projet de loi sur le livre : «On veut même choisir la lecture des Algériens !» Et de rappeler que le mouvement associatif subit le même bâillonnement depuis la mise en œuvre de la nouvelle loi sur les associations. «Nous ne pouvons pas nous taire sur ce genre de pratiques. La démocratie est un tout. Les acquis démocratiques des Algériens sont sérieusement menacés», alerte-t-il.