Les Arabes se sentent plus que jamais humiliés et offensés par la geste occidentale. L'image omniprésente des télés leur découvre un monde qui leur paraît arrogant et décadent quand ils n'envient pas son opulence du fond de leur échec. Nom : Moussaoui, prénom : Zacarias, citoyen français né le 13 mai 1968 à Saint-Jean de Luz, de parents marocains matricule 51427-054. Prison de Florence dans le Colorado. Il a été reconnu coupable par le jury du tribunal fédéral d'Alexandria en Virginie de 6 chefs d'accusation de complot en liaison avec les attentats terroristes du 11 septembre 2001 et condamné le 3 mai à la prison à perpétuité au terme de deux mois de procès. Un procès qui s'est caractérisé par des cafouillages et qui a tourné à l'imbroglio. Les objectifs politiques de l'accusation ayant pris largement le pas sur les règles du droit. De plus, l'attitude changeante et les propos controversés de l'accusé ont encore compliqué les choses. Chaleureux, ouvert et courageux, les éloges ne manquent pas pour vanter le mérite de ce jeune Français. Tant et si bien qu'on a bien du mal à reconnaître en 2001 celui qui écrit ou tient les propos suivants : « Je suis effectivement un fondamentaliste musulam ouvertement hostile aux juifs et aux Etats-Unis d'Amérique. Je suis un membre d'El Qaîda, et je jure fidélité à Oussama Ben Laden. » Justement, le chef d'El Qaîda, mysthifié par ses adversaires, n'a pas manqué mardi soir d'intervenir en niant toute implication du Français dans les attentats cités. Un comportement bizarre « Moussaoui n'y est pour rien. C'est moi qui distribuais les rôles. Zacarias ne figurait pas parmi les kamikazes. » Cet aveu produira-t-il l'effet escompté, alors que tout le monde sait que le sort de Moussaoui est scellé. Ce jeune homme si gentil, si humain n'est plus que violence et haine, n'hésitant pas à traiter son avocat de « sale juif fanatique et de fasciste d'extrême droite », prévenant le juge qui l'a condamné « Allah vous maudit et vous maudira jusqu'à la fin de votre vie' ». « On a voulu obtenir sa tête, c'est tout, sans s'encombrer de procédures juridiques », explique Jonathan Turley, professeur de droit à l'université de Washington, qui rappelle que le gouvernement s'était juré de faire payer Moussaoui pour les attentats du 11 septembre. Attentats que le jeune Franco-Marocain a du reste revendiqués en plaidant coupable et en donnant un argument de poids au département de la justice, qui tenait là une preuve irréfutable de ses accusations. Le coup est double : présenter à l'opinion américaine le coupable et le châtier ; et laver les services de sécurité des erreurs commises ou des négligences coupables. Le député de Pennsylvanie Curt Weldon, convoqué au tribunal, n'a-t-il pas révélé une opération secrète du Pentagone, nommée « Able danger » lors de laquelle quatre des 19 terroristes auraient été identifiés un an et demi avant le 11 septembre. Le gouvernement américain savait et n'avait rien fait pour empêcher les attentats. Et puis, lorsque Moussaoui affirme qu'il est le 20e pirate de l'air, faut-il absolument le prendre au sérieux ? En tous les cas, ce ne sont pas ses amis qui le feront. Les concepteurs des attentats arrêtés, mais curieusement pas encore jugés, considèrent le Franco-marocain comme un simple subalterne. Khaled Chikh Mohamed en est le cerveau, capturé en mai 2003 à Rawalpindi au Pakistan a, dans ses aveux, déclaré que Moussaoui n'était pas programmé pour les attaques contre le World Trade Center et qu'il devait faire partie d'une seconde vague destinée à l'Europe et au Moyen-Orient. Présenté par ce chef terroriste comme « instable » et « excentrique », Moussaoui ne jouit pas visiblement d'une bonne réputation. Sans doute faudra-t-il puiser dans son enfance les traits qui ont façonné sa personnalité. Sa mère, Aïcha El Wafi, d'origine marocaine, a été mariée de force à un compatriote, plus âgé qui se montre être un mari alcoolique et violent. Quatre enfants naissent de ce couple : deux filles, Nadia et Djamila, nées au Maroc, et deux garçons Abd-Samad et Zacarias, nés en France, le 31 mai 1968 à Saint-Jean-de-Luz dans les Pyrénées-Atlantiques. Influencé par Abou Qoutada En 1970, la mère se voit contrainte de fuir et va confier la garde de ses quatre enfants à l'Assistance publique. Zacarias est alors ballotté d'orphelinats en foyers. Victime de violences conjugales, sa mère divorce en 1974 et, après avoir obtenu un emploi de fonctionnaire, récupère la garde de ses enfants. La famille s'installe alors à Narbonne ; le père ne donnera plus de nouvelles à sa famille. Zacarias, comme beaucoup d'enfants issus de l'immigration, subit le racisme et vit mal sa condition, d'autant plus qu'il a hérité de son père une peau sombre, ce qui lui vaut le surnom de « négro ». Il se brouille avec sa mère, puis avec son frère et une de ses sœurs connaît des troubles psychiatriques. Cependant, Zacarias semble surmonter ses handicaps sociaux, réussit une scolarité sans histoires connues, et tout en étant pion au collège Victor-Hugo de Narbonne obtient un baccalauréat professionnel de maintenance des systèmes mécaniques automatisés à Montpellier en 1988, puis un BTS technico-commercial au lycée Arago de Perpignan en 1990. Le jeune Zacarias est alors décrit par ses professeurs comme un élève extraverti, de bon caractère et entouré d'amis. Parallèlement à ses études, il acquiert une réputation de fêtard invétéré. L'année suivante, il réussit un DEUG d'administration économique et sociale à l'université Paul-Valéry de Montpellier (Hérault), puis obtient en 1995, un mastère en gestion de la South Bank University de Londres. En quête de ses racines, de repères et d'idéaux, il s'adonne à la religion musulmane et fréquente une mosquée de Montpellier. L'année 1991 est sans doute celle de la rupture. En 1992, Zacarias Moussaoui s'inscrit à l'université de Perpignan en 2e année de langue étrangère appliquée, mais il disparaît le jour de la rentrée. De fait, il a, à cette époque, définitivement opté pour l'islamisme radical, coupe les ponts et s'installe à Londres, l'une des principales bases de l'islamisme en Europe. Selon les enquêteurs, influencé par les prêches des recruteurs du djihad, dont Abou Hamza et Abou Qoutada, il est rapidement intégré dans les réseaux islamistes qui veulent l'envoyer en Afghanistan où il effectue son premier voyage dès 1995. Le 11 décembre 2001, trois mois après les attentats du 11 septembre, Zacarias Moussaoui, bien qu'en prison au moment des faits, est accusé d'avoir « activement participé » par son silence au complot terroriste qui a conduit aux attentats. Il est inculpé de six chefs d'accusation. Le procès a mis en exergue une tension entre le judiciaire et la sécurité nationale. Moussaoui a fait de nombreuses demandes pour avoir accès à des documents classés confidentiels et le droit d'appeler des membres prisonniers d'Al Qaîda (détenus notamment dans la base militaire de Guantanamo à Cuba) comme témoins, notamment Binalshibh. Toutes ces demandes sont présentées par les procureurs comme des menaces potentielles à la sécurité nationale. La requête d'accès aux documents secrets fut déclinée par le juge. Arrêté par hasard Dans un entretien accordé au Midi Libre, Aïcha Moussaoui, sa mère, explique pourquoi son fils est tombé dans l'intégrisme. En France, dit-elle, « on ne lui a pas laissé la chance de faire un parcours scolaire normal. Il voulait faire un bac général comme tout le monde. On le lui a refusé, en lui disant qu'un brevet d'électricien suffisait. Ils ont fait la même chose avec son frère qui a un brevet de plombier. Quand Zacarias sortait avec ses copains, il se faisait refouler parce qu'il n'avait pas la même couleur que les autres ! Il a fréquenté une copine pendant dix ans et il n'a jamais été accepté par sa famille ! Il y a trop de choses qui se sont accumulées ». Abd Samad Moussaoui ne comprend pas lui non plus. Le parcours de son frère « reste un mystère ». Dans son livre intitulé Zacarias Moussaoui, mon frère, il s'interroge « comment quelqu'un d'aussi ouvert, d'aussi communicatif et chaleureux, comment quelqu'un d'aussi ambitieux, aussi investi dans la préparation de ses diplômes, aussi désireux de s'extraire d'un milieu social défavorisé, comment quelqu'un comme lui peut-il se laisser phagocyter par de telles crapules ? » Dans son ouvrage, il témoigne aussi de la difficulté de l'intégration à la française, du mal de vivre de ces jeunes sans repère qui parfois peuvent fragiliser et permettre le développement de l'extrémisme sectaire, notamment du dangereux wahhabisme saoudien et qotbiste. « Mon frère croyait qu'il n'était pas reconnu à sa juste valeur, il se plaignait du racisme, il était fragile, bref, c'était la cible idéale pour les fondamentalistes. » Des explications, a posteriori, sans doute simplistes et insuffisantes, mais qui témoignent surtout de la douleur d'une famille et de son incompréhension. Parcours Français d'origine marocaine, Zacarias Moussaoui, devenu militant islamiste radical, avait notamment effectué des séjours en Afghanistan et au Pakistan. Le 23 février 2001, il quitte Londres, où il se trouve depuis le 9 février précédent, pour Chicago. Il obtient un visa touristique d'une durée de 3 mois. Ensuite, il suit des cours de pilotage dans une école aéronautique proche de Minneapolis, afin de s'initier au maniement d'un Boeing sur simulateur de vol. Le 16 août, il est interpellé par le service de l'immigration pour infraction au droit de séjour en raison de l'expiration de son visa, et placé en détention à la prison de Minneapolis. Il résulte d'une information judiciaire ouverte en France par le juge Jean-Louis Bruguière que les autorités américaines font alors part de leur intention d'expulser le ressortissant français Zacarias Moussaoui à l'issue de leur enquête. Les attentats du 11 septembre 2001 modifient la donne. Certes, M. Moussaoui ne peut être accusé d'avoir participé directement aux assassinats puisqu'il était incarcéré dans le Minnesota depuis près d'un mois. Mais la justice fédérale américaine le présente comme celui qui aurait dû être le 20e pirate de l'air kamikaze et le 5e membre du commando ayant détourné le vol d'United Airlines qui s'est écrasé dans un champ près de Pittsburgh, en Pennsylvanie.