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Il faut punir le soldat moussaoui
Retour sur le procès d'un membre déclaré d'al Qaïda
Publié dans Liberté le 23 - 05 - 2006

Moussaoui choque toute l'Amérique lorsqu'il sort de son box, le jour du témoignage émouvant du maire de New York, en chantant “Burn in the USA” (brûlé en Amérique) sur l'air de “Born in the USA” de Springsteen.
Zacarias Moussaoui, barbu, “Français d'origine marocaine” (selon le critère d'identification des “gens de couleur” en vigueur dans l'Hexagone), est un personnage qui ne peut que s'incruster dans notre mémoire : le jeune homme, venu de Saint-Jean de Luz en France, traversera toute la “guerre sainte” comme submergé par son adoration au culte d'Al Qaïda, par sa haine viscérale de l'Occident. “Le fléau suprême”, selon l'un de ses nombreux délires devant la tribunal d'Alexandria (Virginie) où il vient d'écoper d'une peine — la réclusion à perpétuité — d'apparence clémente, mais en réalité plus dure pour le tout nouveau détenu de la prison de haute sécurité de Florence (Colorado). 23 heures sur 24, Moussaoui sera confiné dans sa cellule où tout le mobilier est scellé au sol pour empêcher toute tentative de suicide. Membre déclaré d'Al Qaïda, Moussaoui, 37 ans, a plaidé coupable l'an dernier de six chefs d'accusation, dont trois passibles de la peine de mort.
Né de parents marocains, ce Franco-Marocain portant l'uniforme trop ample du rédempteur est un peu le trublion de cette épopée du Nine Eleven, nouveau ciment de l'unité nationale aux Etat-Unis. Zacarias Moussaoui, à son corps défendant — comme il tente de le démontrer tardivement en niant toute implication dans les attentats du 11 septembre 2001 —, découvre ce monde de cauchemar comme un héros de Tim Burton, toujours en décalage avec la réalité. Ce soldat “de Dieu” étrange, aux mille facéties et histoires plus saugrenues les unes que les autres, sourit devant la peur de la peine de mort, lorsque son spectre planait sur sa tête durant tout le procès, “comme un véritable imbécile, mais un imbécile heureux”. L'expression est d'un confrère de la télévision chilienne croisé dans la cafétéria du Court of Justice d'Alexandria, à un jet de fusil du Pentagone dont une façade du bâtiment reçut une salve de la colère intégriste. En 2006, il fait l'objet d'un procès aux Etats-Unis pour complicité dans les attentats du 11 septembre 2001. Autant “prophète” que “martyr”, sachant manier la rhétorique, il est un cas complexe révélateur de son époque qui met au défi le fonctionnement des “forces du bien” vis-à-vis de son “Grand Satan”, c'est-à-dire le gouvernement des Etats-Unis. Il a été arrêté le 16 août 2001 et mis aux fers pour “infraction à la législation sur l'immigration” et parce qu'il intéresse les services de répression du terrorisme des Etats-Unis. La PanAm International Flight Academy de Eagan, à Minneapolis avait été intriguée par ce nouvel élève qui voulait être formé sur un simulateur de vol de Boeing 747, alors qu'il n'avait même pas une licence de pilote ; en plus, il avait payé la formation en espèces, soit 6 300 dollars. Il a tout d'abord été accusé d'être le “20e pirate de l'air” des attentats du 11 septembre 2001 mais depuis, on sait que c'est Mohamed El Kahtani. En décembre 2001, un grand jury fédéral de Virginie l'inculpe pour conspiration, qualifié de “meurtrier de milliers de victimes innocentes” dans les Etats de New York, de Virginie et de Pennsylvanie. Son procès s'est ouvert en octobre 2002 À Alexandria sous l'autorité du juge Leonie Brinkema. Avant l'ouverture du procès, Moussaoui refuse l'aide de ses avocats commis d'office et indique qu'il a l'intention de se défendre lui-même. Le juge l'estime compétent et accepte que le procès se déroule. Moussaoui a déclaré qu'il était un membre d'Al Qaïda et se reconnaît coupable de tout ce qu'on veut, sauf d'avoir été au courant des attentats projetés ; lui, il était en réserve, pour plus tard. Ramzi Ben Al Chibh, un chef de cette organisation, a dit aux enquêteurs qu'il avait rencontré Moussaoui avant le 11 septembre 2001, mais que celui-ci avait trop attiré l'attention en prenant des leçons et en demandant des renseignements sur la vaporisation des récoltes par avion.
Aucune preuve de lien direct entre Moussaoui et les attaques du 11 septembre n'a été rendue publique. Cependant, le chef de la Djamaâ El Islamia, Redouan Ismoudine Hambali, envoya comme escorte Yazid Safaat pour fournir à Zacarias Moussaoui 35 000 dollars et des documents de voyage en Malaisie en octobre 2000. Le cas est vu par de nombreux observateurs comme un baromètre de la volonté du gouvernement des Etats-Unis d'Amérique de donner un procès équitable pour les personnes accusées de terrorisme.
Une dégaine de provocateur
Le procès a mis en exergue une tension entre le judiciaire et la sécurité nationale. Moussaoui a fait de nombreuses demandes pour avoir accès à des documents classés confidentiels et le droit d'appeler des membres prisonniers d'Al Qaïda (détenus notamment dans la base militaire américaine de Guantanamo à Cuba) comme témoins, notamment Ben Al Chibh. Toutes ces demandes sont, d'emblée, présentées par les procureurs comme des menaces potentielles à la sécurité nationale. La requête d'accès aux documents secrets fut déclinée par le juge et la décision d'utiliser les prisonniers reste à déterminer. Au milieu de la bataille juridique, sans quoi un procès ne saurait passionner l'Américain moyen, le témoignage de l'ancien maire – à qui on prête des intentions de présidentiable – fait basculer l'opinion. Il explique, la larme généreuse, qu'il n'y croyait pas quand on lui a parlé de ceux qui se jetaient dans le vide. Une vidéo montre des corps en train de tomber. “Mon regard a tout d'un coup saisi la silhouette d'un homme. Cela devait être au 100e étage, ou au-dessus... J'ai réalisé que j'étais en train de regarder un homme se jeter dans le vide... J'ai vu plusieurs personnes, je ne me souviens plus combien... J'ai vu deux personnes se jeter dans le vide en se tenant par la main. C'est sans doute le souvenir qui me revient chaque jour.” La juge décrète une pause, le public reprend sa respiration. Moussaoui sort en chantant Burn in The USA (brûlé en Amérique) sur l'air de Born in The USA. Moussaoui venait de faire pencher la balance en sa défaveur et la peine de mort, tant redoutée par sa mère (voir encadré), tout au bout. Mais cela ne met pas un terme à ses bravades.
Le 27 mars au tribunal d'Alexandria, il offusque au plus haut point le procureur de la République des Etats-Unis, Robert Spencer.
Le Procureur : “Vous étiez pressés de terminer votre formation parce que vous vouliez piloter le 5e avion qui devait s'écraser sur la Maison-Blanche ?”
Moussaoui : “C'est correct.” Le procureur :
“Vous vouliez tuer des Américains ?”
Moussaoui : “C'est correct.”
Le procureur : “Vous avez acheté des couteaux. Vous étiez prêt à trancher la gorge d'un passager ou d'une hôtesse de l'air ?”
Moussaoui : “Trancher la gorge de quelqu'un n'est pas difficile.”
Le procureur : “Vous vous êtes réjoui de savoir que des Américains avaient été tués, que les tours du World Trade Center s'étaient effondrées, que le Pentagone était en flammes et que quatre avions avaient été détournés ?”
Moussaoui : “C'est correct. J'étais ravi que l'Amérique ait avalé sa pilule.”
Le procureur: “Vous étiez ravi ?”
Moussaoui : “Parfaitement ! Parce que vous êtes Américains. Je considère chaque Américain comme mon ennemi.”
Pas le temps de se remettre de ses émotions dans un procès délirant à l'image de son principal protagoniste. La juge fédérale, Leonie Brinkema, interrompt une audience pendant une heure et demie avant de revenir et d'annoncer qu'elle suspendait le procès pour se donner le temps de décider s'il y avait lieu ou non de l'annuler. Motif de l'ire de l'honorable présidente de la cour d'Alexandria : une avocate du gouvernement avait communiqué une transcription de la première journée à plusieurs personnes appelées à témoigner à charge ou à décharge, démarche qui est interdite.
“Durant toutes les années où j'ai siégé au tribunal, je n'ai jamais vu une violation aussi monumentale du règlement sur les témoins. C'est la seconde erreur importante commise par le gouvernement. En outre, elle affecte l'intégrité de l'appareil judiciaire des Etats-Unis”, dit-elle, au comble de la colère. Mais cela n'empêche pas le procès de se poursuivre jusqu'à la condamnation de Zacarias Moussaoui qui expie, au nom de tous les siens encore traqués de par le monde, le crime — la souillure indélébile — commis contre la patrie de l'oncle Sam.
Moussaoui qui s'est voulu coupable et a plaidé en ce sens n'est pas devenu le martyr tant espéré. Georges W. Bush a offert un coupable à son Amérique en faisant une ardente prière pour que sa cote de popularité remonte (un récent sondage de USA Today le donne comme le plus mal-aimé des présidents américains des 25 dernières années). Face aux familles des victimes, la Maison-Blanche n'avait rien d'autre à offrir. Ben Laden court toujours et continue de la défier. Aussi Moussaoui se présente-t-il comme l'offrande inespérée à la colère d'un pays bafoué dans son orgueil et ses certitudes. À l'annonce de la décision des jures, les commentaires des principales chaînes de TV étaient, sur ce point, sans ambiguïté.
AICHA EL OUAFI (MÈRE DE ZACARIAS MOUSSAOUI) “UN COUPABLE SUR MESURE”
Venue plaider, pour la énième fois, la clémence pour son fils égaré, Aïcha El Ouafi parle à tous les journalistes comme pour se faire bruyamment entendre des autorités judiciaires américaines. Morceaux choisis.
Sur les extravagances du fils, elle dit : “Ce n'est plus le même depuis longtemps. Au parloir, durant le procès, il dodelinait de la tête, les yeux dans le vague. Il ne faisait presque plus attention à moi. Il lissait juste sa barbe en marmonnant des paroles inaudibles.”
À quoi est dû ce changement ?
- “Peut-être bien qu'on lui administrait des choses... comme de la drogue, par exemple !”
A-t-elle parlé avec des familles des victimes du 11 septembre ?
- “Elles ont pris conscience que moi aussi je suis une victime de ce drame terrible.”
Quel châtiment méritait son fils ?
- “10 ou 20 ans au maximum pour association de malfaiteurs, mais sûrement pas la perpétuité ou la peine de mort comme le réclamaient certaines gens. Il ne mérite pas cette lourde peine. Ce n'est pas un terroriste, il n'a rien fait ! Le gouvernement américain voulait un coupable sur mesure pour calmer son peuple et il a trouvé mon fils !”
Le rôle de la France ?
“Des responsables m'avaient promis que la France ferait quelque chose au moment opportun. S'il elle approuve ce cruel châtiment, je considère que l'Etat français n'a rien fait !”
La peur inhibe la loi
Pendant la Première Guerre mondiale, un millier d'Américains furent emprisonnés pour avoir tenu des propos pacifistes. Les habitants d'origine allemande furent interdits d'entrée à Washington, interdits de se trouver à moins de 5 km des côtes. 6 000 parmi eux furent arrêtés.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, 40 000 Japonais et 70 000 Américains d'origine japonaise furent envoyés dans des camps d'internement sur décision du président Théodore Roosevelt.
Dans les années 1950, les communistes ont été traqués au nom de la guerre froide. À chaque fois, les institutions judiciaires des Etats-Unis, Cour suprême y compris, ont confirmé les décisions de l'Exécutif. La réponse des Etats-Unis aux attaques du 11 septembre 2001 contre leur sol s'inscrit, selon les historiens, dans une lignée de riposte classique. Ils y voient l'héritage de l'Enemy Alien Act (une loi vieille de 1798) qui n'a jamais été abolie. Cette législation donne encore le droit au président en exercice le pouvoir de détenir sans mandat judiciaire tout “ennemi étranger” originaire du pays en conflit. “En temps de guerre, nous finissons toujours par dériver du côté de la peur plutôt que d'écouter les exigences de la Constitution”, déplore Mme Harrison, professeur d'histoire à l'université George-Washington.
S. K.


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