S'il fallait croire Amar Saadani, l'actuel secrétaire général du FLN, «l'ère des faiseurs de rois serait révolue». Tel aurait été l'objectif des changements au sein de l'institution militaire, notamment certaines attributions du DRS, décidés par le président Abdelaziz Bouteflika et par les réformes constitutionnelles qu'il voudrait faire adopter avant la prochaine élection présidentielle. Le «souci» du président de la République serait donc, toujours selon Saadani, l'édification d'un Etat «civil» et de montrer par la même vis-à-vis de l'étranger que l'Algérie n'est plus gouvernée par des généraux, poursuit le chef du «vieux parti ex-unique». Seulement voilà, comment croire de telles assertions avancées par quelqu'un qui s'est retrouvé à la tête du FLN par la grâce d'un clan, celui du président de la République et/ou de ses proches et à la faveur d'une instrumentalisation de la justice ? Comme l'a été d'ailleurs son «intronisation» inattendue à la tête de l'Assemblée nationale, toujours à la suite de manipulations, de manœuvres et de coups tordus. C'est dire combien le profil du personnage s'apparente beaucoup plus à celui du zélé porteur d'encensoir que de l'homme politique. En d'autres termes, ce serait faire preuve de naïveté et de crédulité comme celles que l'on pourrait avoir vis-à-vis du bonimenteur ou charlatan… D'ailleurs l'auteur de ces indiscrétions ne dissimule nullement son attachement au président Bouteflika qui reste, pour lui, le candidat idoine. Tous ceux qui ont conscience des méfaits de l'autoritarisme, depuis au moins une quinzaine d'années, n'ont certainement pas attendu le secrétaire général du FLN pour dénoncer les méfaits des «cabinets noirs» et des «faiseurs de rois» – rôle que se sont approprié les services de renseignements et de sécurité comme le DRS – sur la vie politique nationale et sur les institutions du pays. D'autant que les résultats d'une telle ingérence dans la vie politique et économique de ces cercles informels diffus et opaques, fussent-ils l'émanation de l'armée ou du pouvoir politique, comme la présidence de la République, n'ont eu pour effet que de perpétuer le clientélisme et les pratiques de clans qui ont fini par mettre le pays et son économie en coupe réglée. D'ailleurs l'un des indices les plus révélateurs d'une telle «malédiction» est sans doute le nombre élevé de scandales de corruption qui ont très vite pris la dimension de scandales d'Etat, impliquant des hauts cadres de l'Etat et de l'armée. Et ce, même si celle-ci, avec la discrétion qui la caractérise, s'est efforcée à vouloir «limiter les dégâts par des mesures internes» afin de préserver son image auprès de l'opinion. Avec la dernière sortie du secrétaire du FLN, il faut admettre que les danseuses du ventre n'ont pas encore jeté leurs foulards, mais qu'elles continueront, dans les jours qui viennent, à plaire au clan présidentiel. Quant à penser que les faiseurs de rois ne vont plus agir ou que les cabinets noirs vont disparaître, c'est sans doute aller trop vite en besogne. Car, en effet, tout porte à croire qu'une fois encore, on s'acheminerait vers un compromis dans lequel le statu quo aurait toute sa signification dans la composition du pouvoir de l'après-Bouteflika, et surtout dans lequel les intérêts des uns et des autres seraient préservés.