Devinettes, rites, joutes oratoires et poétiques, helqa, légendes… autant de formes artistiques que l'on classe dans «l'avant-théâtre» et qui ont existé ou existent encore pour certaines, en dehors des canaux de ce que l'on appelle aujourd'hui le théâtre italien. C'est ce à quoi se sont attelés à expliquer chercheurs et autres spécialistes lors d'un Colloque international organisé, les 2 et 3 novembre à l'hôtel Cristal 2, par le Festival international du théâtre de Béjaïa, avec la collaboration du Haut-Commissariat à l'amazighité sous le thème «L'avant-théâtre et les formes de la représentation du spectacle». Fanny Colonna, chercheuse en sociologie et en anthropologie historique, s'est intéressée aux devinettes en usage dans les Aurès où elle s'était rendue pendant les années 1970 et 1980. Fanny Colonna, née en Algérie, est directrice de recherche émérite au CNRS. Son corpus est Recueil d'énigmes arabes populaires, publié à Alger en 1916 par le RP. Antoine Giacobetti. Père Blanc né en 1896, Antoine Giacobetti a collecté 620 devinettes en usage dans les Aurès. Selon Colonna, il relève que la pratique des devinettes, régie par des règles précises dans cette région d'Algérie, est nocturne et réservée aux seuls hommes. Pourquoi le choix de la langue arabe dans une région berbérophone ? Une piste, un sujet de recherche que la conférencière propose en mettant l'accent sur une «pratique populaire» et un genre littéraire «très sérieux pour les linguistes». Pour Younès Adli, docteur en langues, littératures et sociétés, en Kabylie, les devinettes se pratiquent, plutôt, dans l'espace familial. Adli s'est focalisé sur les cas de ameddah et de amghar uceqquf comme «manifestations pré-théâtrales dans la Kabylie des XVIIIe et XIXe siècles». En Kabylie toujours, d'autres formes de l'avant-théâtre ont existé. L'écrivain-journaliste, Abdenour Abdeslam, a rapporté des exemples de joutes oratoires, au verbe fort, puisées dans des scènes de vie, loin des planches de théâtre, expliquant que la scène en Kabylie, comme «dans la tradition nord-africaine», «n'est pas formellement un lieu fermé» et s'exprimant «au cours des marchés populaires, dans les rues, dans des cafés maures, au cours d'une fête, lors de simples rencontres anodines etc.». Cette forme de théâtre à ciel ouvert est aussi convoquée avec le carnaval Chayeb Achoura à Tkouk, dans la région des Aurès, que M'hand Zerdoumi, diplômé en psychologie et animateur d'une émission à TV4, présente «Entre tradition ancestrale et théâtre exhibitionniste en plein air». «Un résidu de l'avant-théâtre» que l'on retrouve aussi dans le carnaval, plus ou moins similaire, de l'Ayred, «un rituel carnavalesque célébrant Yennayer à Tlemcen», selon Aziz Mahboub, enseignant chercheur.