Au Festival de Cannes, il y a des films qui choisissent délibérément de noircir à outrance le tableau, des films sans joie, traumatisants et qu'on préfère fuir. C'est le cas du petit reportage fiction sur la Kabylie commis par un certain Laïmèche qui préfère l'honneur à la dignité. C'est le cas aussi du film égyptien El Banat Doly de Tahani Rached, une plongée dans l'horreur, reportage ultra réaliste sur les filles abandonnées dans les rues du Caire. Adolescentes en fuite, filles-mères, femmes-enfants soumises aux menaces, violences, rafles policières. Les images de ce documentaire sont insoutenables. Une journaliste égyptienne a même eu un malaise. Mais, il y a aussi des films qui choisissent d'autres terrains de fiction. Comme The Yacoubian Building, de l'Egyptien Marwan Hamed, un spectacle grand public, sympathique sans plus, à cause des grands acteurs : Adel Imam, Yusra, Nour Echerif, Hind Sabry, Ahmed Bedeir, toute une pléiade qui s'agite dans ce microcosme caïrote, histoire à l'origine racontée par l'écrivain Alaâ Al Aswany. Son roman L'immeube yacoubian a connu un grand succès et a été traduit dans plusieurs langues. En plein cœur du Caire, il s'agit de la vie quotidienne d'un grand immeuble construit en 1920 par un riche marchand arménien pour héberger de grands bourgeois, la crème de la société cairote. Aujourd'hui, c'est un tout autre monde qui habite là. Jadis très luxueux, l'endroit est maintenant sale, poussiéreux, une foule de miséreux a envahi les dix étages et même construit des cahutes sur le toit. Marwan Hamed dresse le portrait très vif, truculent de ce microcosme cairote peu reluisant. Mais si on rit beaucoup, pour ne pas pleurer, c'est à cause des comédiens comme Adel Imam dans le rôle du fils d'un ancien pacha et Nour El Sherif dans celui d'un parvenu, businessman magouilleur qui a fait fortune dans la vente de la drogue et dans le commerce de vêtements pour femmes islamistes. Alaâ Al Aswany n'est pas un écrivain très connu en Egypte comme Gamal Al Ghitany ou Sonallah Ibrahim. Mais son premier roman l'a mis désormais sur orbite. Et le film qui raconte sa chronique douce-amère sur grand écran risque de propulser davantage son aura. Pas grand-chose à dire en revanche sur Marie-Antoinette, le film très sifflé à la séance de presse de Sofia Coppola. Reine de France, épouse de Louis XVI, elle a péri sur l'échafaud avec le roi et leurs deux enfants quand la révolution a éclaté à Paris. Ce destin tragique est à peine évoqué dans le film. Sofia Coppola a préféré le grand spectacle de la cour de Versailles où règne une certaine décadence quand la jeune princesse autrichienne est arrivée à l'âge de 14 ans pour être mariée au dauphin. Ce n'est pas une fresque historique. C'est plutôt une approche intime d'une reine qui était très détestée et pour qui la vie du peuple en révolte était le dernier de ses soucis.