A la clôture, hier, du CC, le lanceur FLN était paré officiellement, prêt à remettre le président Bouteflika sur orbite géostationnaire. Réglée comme du papier à musique. La réunion d'hier du comité central du FLN – une des plus pacifiées des 50 dernières années – a viré au concerto à la gloire de fakhamat raïs Bouteflika. Aucune voix dissonante, pas la moindre fausse note. Ambiance bon enfant de garden party à l'hôtel El Aurassi où la direction du FLN a réservé quelques suites. Les 288 membres du comité central (CC) présents – sur les 340 – voteront à la quasi-unanimité, et en timide standing ovation, la résolution portant le «choix du FLN pour la candidature du président Bouteflika pour un 4e mandat» et ce, quand bien même ce point n'était pas inscrit à l'ordre du jour de la réunion. Comme une lettre à la poste, la liste problématique du nouveau bureau politique (BP) est aussi validée. Sans clash ni résistance (7 voix contre). A la baguette, Amar Saadani, l'inconditionnel sherpa du président Bouteflika, secrétaire général du parti en l'occurrence et homme pressé de plier le spectacle avant que n'éclate un de ces orages promis. A 14h20, rassuré sur sa victoire à la Pyrrhus du 29 août dernier, l'ancien président des comités de soutien à Bouteflika, ancien président de l'APN, siffle la fin de la récréation et clôt aussi vite la réunion du CC, dont la session est baptisée du nom d'un baroudeur du FLN, Abderrezak Bouhara, décédé récemment. Dans son discours d'ouverture, Saadani justifie le «choix Bouteflika». «Nous devons nous imposer, dit-il, à nous-mêmes ce choix parce que celui-ci s'impose de lui-même (sic !).» Le «bilan positif de Abdelaziz Bouteflika (…) notre Constitution qui permet de briguer un autre mandat (…) imposent ce choix». «Et puis, ajoute-il, décomplexé, je rappelle à tous qu'ils sont nombreux, dans l'histoire moderne, les présidents et chefs d'Etat à avoir brigué quatre mandats et même davantage.» Le SG du FLN cite cinq exemples : le président Roosevelt, les chanceliers Konrad Adenauer et Helmut Kohl, Gordon Menzies (Australie)et Kamel Attatürk. «Et vous savez tous, ose-t-il comme argument massue, que les présidents qui ont laissé une trace dans l'histoire sont ceux qui sont allés au-delà d'un quatrième mandat (…).» Sous les ovations, Saadani finira son speech par un appel à la mobilisation générale pour «gagner» les prochains scrutins (2014). «Nous ne devrons pas abandonner les prochains scrutins au fait du hasard. Dans notre stratégie électorale, le hasard n'a pas sa place», conclut-il. Hormis les moutons noirs du «mouvement de redressement» et les «Belayat boys» partisans du boycott, ainsi que les ministres en rupture de ban du clan présidentiel (Tou, Harraoubia), presque tout le gotha du FLN était réuni hier. Sur un air d'«ils sont venus, ils sont tous là», Mohamed Djemai, «l'homme d'affaires» controversé, vice-président de l'APN, étoile montante du new FLN, accueille depuis 9h et surtout compte les participants. Embusqué dans le hall de l'hôtel, derrière la table où sont entreposés dans des cartons les badges des participants invités, Djemai a l'œil sur tout. Un œil qui compte. «Pas besoin d'un huissier de justice», nous répond-il, Il ne s'agit que d'une réunion ordinaire du CC, prétexte-t-il. Dans le hall, d'interminables chassés-croisés de députés, sénateurs, ministres, cadres et militants du parti. Pressenti au bureau politique, Moussa Benhamadi, ex-ministre de la Poste et des TIC, faisait part de toute sa «sérénité» quant à la réunion du jour. «Le FLN sort aujourd'hui de la zone critique», confie-t-il. Dans le hall, nulle trace du fameux «appel téléphonique» de Saïd Bouteflika aux membres du CC. «Croyez-vous vraiment que les 300 membres du CC aient reçu une consigne de Saïd Bouteflika ?», s'ingénue un cadre du parti. «Le CC est un terrain miné, commente-t-il. Il a toujours été une instance imprévisible. Avec elle, on ne sait jamais. Et c'est souvent au moment où on la croit acquise qu'elle vous surprend.» «Avec 288 participants, le FLN risque tout, sauf l'implosion», affirme de son côté le ministre de la Communication. L'air débonnaire, chèche et kachabia de rigueur, le fiévreux Messahel butine un groupe, un autre. «Et je n'ai jamais dit que j'allais demander des explications à Saadani», ajoute-t-il en allusion à des Unes de la presse le citant en commentaire aux déclarations incendiaires du SG du FLN sur le rôle de l'armée. Djamel Ould Abbès, sénateur du tiers présidentiel et autre «envoyé spécial» du Président écume l'air, renifle la queue du vent. Tayeb Louh aussi. En dépit de sa fonction de ministre de la Justice, le garde des Sceaux est présent alors que le Conseil d'Etat (sous sa tutelle) n'a pas encore statué sur le recours introduit par une quinzaine de membres du CC contre la réunion du 29 août dernier ayant porté Amar Saadani au poste de secrétaire général. A 14h30, le lanceur FLN est paré officiellement, prêt à remettre le président Bouteflika sur orbite géostationnaire.