Hormis quelques incidents sans conséquence dans des ruelles adjacentes au commissariat de ville, où sont détenues 11 personnes arrêtées lors des affrontements intercommunautaires de samedi, le calme est revenu au chef-lieu de daïra de Guerrara, à 130 km au nord-est de Ghardaïa et à 640 km au sud-est d'Alger. Rappelons qu'une vingtaine de personnes ont été arrêtées avant qu'un tri ne soit fait au niveau de la sûreté de daïra de Guerrara ; seuls 11 individus, convaincus d'avoir participé aux affrontements, sont toujours retenus dans l'attente de leur présentation devant le procureur près le tribunal de Berriane compétent territorialement. Malgré les efforts des employés de la voirie de Guerrara, qui ont mis les bouchées doubles pour tout nettoyer et remettre en l'état le mobilier urbain saccagé par les émeutiers, les stigmates des affrontements et des saccages sont encore visibles et dénotent de l'intensité des violences. Plusieurs magasins qui ont été vandalisés et incendiés restent béants, les rideaux éventrés, les murs noircis par le feu qui a tout calciné. Des véhicules, dont quelques-uns incendiés et d'autres vandalisés (pare-brises et lunettes arrière brisés) sont encore là, tels des épaves. Le pic des violences s'étant concentré dans les quartiers Aâtatcha, Mahmoud Ouled Sidi M'hamed, Sidi M'hamed El Khemd et Ouled Sayah, où la majorité des blessés ont été recensés, les forces de l'ordre, arrivées en masse, se sont déployées dans toutes les ruelles de ces quartiers chauds, évitant ainsi tout contact entre les belligérants. Cependant, malgré toutes les appréhensions, ce dimanche, premier jour de la semaine, les citoyens, autant que faire se peut, vaquent à leurs occupations quotidiennes ; même les bambins ont rejoint les bancs de leurs écoles. Ce que nous avons constaté de visu sur le terrain, du moins du côté du centre-ville à proximité du célèbre institut El Hayat. Rappelons que ces incidents ont éclaté en dehors du stade, à la fin du match de football ayant opposé samedi les deux équipes rivales de la ville, Ettaradji et El Ahly, chacune représentant une des deux communautés de la ville, ibadite et malékite. «Les événements de samedi et de dimanche ne sont pas fortuits», déclare un notable mozabite. Mais au-delà des faits, tout le monde, à Ghardaïa, que ce soit du côté des Chaâmba ou des Mozabites, s'accorde à dire que les derniers événements ne sont que la conséquence logique d'un cumul de ressentiment et d'animosité. Les Mozabites se montrent placides face à ce qu'ils qualifient d'«attaques infondées». «Il est primordial de respecter les différences des uns et des autres et de les accepter. Nous sommes une communauté qui a sa culture, son mode de vie, sa langue, qui tient toujours à son ancienne forme organisationnelle et perpétue sa civilisation», ajoute un Mozabite, qui met en exergue la nature conservatrice de sa communauté. «Cela ne nous empêche pas d'être en contact avec d'autres communautés, d'établir de bons rapports avec elles dans le respect mutuel…» Les appréhensions de notre interlocuteur sont légitimes, surtout lorsqu'on sait que des apprentis sorciers jouent aux pyromanes, mettant le feu aux poudres tels des charognards profitant du moindre problème pour se placer sur la scène locale, en distribuant des tracts incendiaires dans des lieux publics appelant insidieusement aux affrontements intercommunautaires et en appelant à la haine sur les réseaux sociaux. Mais les deux communautés, dans leur ensemble, ne sont pas dupes et sont conscientes du jeu trouble et dangereux que ces énergumènes, sous le couvert de quelques ligues ou associations, qui distillent leur venin contre les institutions de l'Etat. C'est pourquoi des gens de bonne volonté des deux communautés appellent à la sagesse et mettent toute leur énergie pour contenir la fougue guerrière des jeunes de leurs communautés respectives. Selon un sociologue bien connu sur la place de Ghardaïa, les derniers événements sont dus à plusieurs facteurs dont l'explosion démographique qu'a connu la ville de Ghardaïa et ses ksour ces trente dernières années. Cette expansion démographique a provoqué, explique-t-il, des problèmes multiples : chômage, crise du logement… La ville a aussi connu une extension anarchique. Les avis sont ainsi parfois contradictoires. Mais il est clair que les stigmates des événements qui se sont produits par le passé sont toujours là et continuent à réveiller les vieux démons. A cela s'ajoutent les différences sur les plans culturel, traditionnel et rituel qui attisent les tensions entre les deux communautés. L'absence de dialogue aggrave la situation. A 17h30, avant de quitter la ville, nous avons constaté que les renforts, arrivés la veille de Djelfa et Laghouat, ont pris position dans les endroits stratégiques, quadrillant la ville, gardant ainsi le contrôle total de la situation à tel point qu'aujourd'hui, aucun incident n'a été signalé.