Chaque jour, deux nouvelles personnes contractent le sida en Algérie. Il y a dix ans, la moyenne était d'une contamination par semaine. Les chiffres sont en hausse et les femmes sont de plus en plus touchées. Sur les 3000 malades du sida actuellement traités en Algérie, près de 53% seraient des femmes. Il y a seulement quelques années, les hommes étaient majoritaires. Le constat est d'autant plus alarmant que la contamination des femmes – très nombreuses à être infectées par leurs maris – implique une contamination des enfants par le biais de la transmission mère/enfant. Dans beaucoup de cas, la transmission a lieu sans même que les parents ne sachent qu'ils sont porteurs du virus. Résultat : près de 700 enfants vivent avec le VIH dans le pays. Pour encourager la prévention contre le sida, il faut pouvoir parler, sans complexes, de l'utilisation des préservatifs (75% des cas de contamination ont lieu par voie sexuelle). Une utopie dans une société effrayée à l'idée même d'accepter que le sida soit si répandu dans le pays (près de 30 000 cas). Un déni qui freine le dépistage et permet la progression silencieuse du VIH, infectant de plus en plus de femmes et d'enfants. «Il y a un problème de dépistage en Algérie où le VIH progresse, contrairement aux pays occidentaux où les chiffres sont en net recul», explique le docteur Mahfoud Belhout, directeur du programme VIH/sida au Croissant-Rouge algérien, invité à s'exprimer hier au centre de presse du journal El Moudjahid en présence de plusieurs autres acteurs de la société civile. «C'est justement parce que la société a du mal à parler d'éducation sexuelle, de l'utilisation du préservatif, préférant cultiver le déni, que la contamination progresse», ajoute-t-il. Le nombre de nouvelles infections ne cesse d'augmenter en Algérie et dans l'ensemble de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Une hausse de 35% entre 2001 et 2011, d'après l'Onusida, et c'est «la stigmatisation» qui en serait à l'origine. 120 enfants malades à El Kettar «Nous n'avons pas la culture du dépistage» et c'est là où le bât blesse pour Ahcène Boufenissa, président de l'association de lutte contre le sida Solidarité Aids, membre du réseau algérien sur le sida (ANAA). «La stigmatisation n'est pas que dans la rue, elle frappe également dans les hôpitaux», explique-t-il encore. Il en veut pour preuves des personnes reçues par les différentes associations du réseau se plaignant de rejet par le personnel de santé parce qu'elles sont porteuses du VIH. «Le réseau ANAA veut travailler sur le droit à l'accès aux soins pour ces gens-là ; nous venons de lancer un projet national pour l'élimination de la stigmatisation et de la discrimination.» La conférence, organisée à l'occasion de la célébration de la Journée internationale de lutte contre le sida, a permis à plusieurs associations de faire le point sur la situation. «Il n'y a pas lieu de célébrer cette journée. Il faut travailler sur les questions de dépistage, de sensibilisation», explique le docteur Mohamed Guemama, président de Green Tea, association de lutte contre le sida basée à Tamanrasset. «Dans cette wilaya du Sud, on se heurte au conservatisme, comme dans les autres régions du pays, et très souvent on préfère rejeter la faute sur les migrants subsahariens, très nombreux dans le Sud, au lieu de faire face à la situation», ajoute-t-il, sans manquer de dénoncer les préjugés. Selon lui, «la prévalence du sida n'est pas le fait de l'immigration dans le Sud. Les Algériens vivant avec le VIH sont en plus grand nombre». Les tabous qui entourent le VIH semblent les premiers responsables de la hausse des contaminations. En attendant une prise de conscience qui permettrait de traiter le mal à sa racine, 120 enfants luttent contre la maladie au service infectieux de l'hôpital El Kettar.