L'histoire retiendra que le gouvernement de Abdelaziz Belkhadem aura battu tous les records en matière de célérité dans l'entrée en fonction de l'Exécutif. Reconduit avec la même composante moins de 48 heures après l'éviction de Ouyahia, le nouveau gouvernement, dirigé par Belkhadem, a commencé à travailler de manière quasi-clandestine sans avoir à sacrifier aux règles constitutionnelles de légitimation politique de l'Exécutif par le Parlement. La loi fondamentale fait obligation à tout nouveau gouvernement de présenter son programme d'action devant le Parlement et de subir l'épreuve du Parlement pour être légitimé et pouvoir entamer son travail. Le nouveau chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, n'a pas jugé nécessaire de s'y conformer à cette exigence constitutionnelle au motif que le programme d'action de son gouvernement n'est autre que le programme du président Bouteflika et que par conséquent il n'y voyait aucune utilité politique à défendre devant le Parlement dominé par la majorité présidentielle une cause censée être entendue. On sait pourtant qu'en politique il ne faut jamais jurer de rien. Les dernières déclarations du chef du groupe parlementaire du MSP, demandant le départ de Belkhadem pour le remplacer par un Exécutif neutre dans la perspective de la préparation des prochaines échéances électorales, viennent ébranler les fausses certitudes de Belkhadem. La Constitution est faite pour être appliquée dans sa lettre et dans son esprit. Par respect pour les institutions du pays, le chef du gouvernement aurait pu au moins mettre les formes en soumettant son programme au Parlement. Le fait qu'il endosse le programme du président de la République, qui a déjà été approuvé par le Parlement sous le gouvernement de Ahmed Ouyahia ne le dispense pas de passer devant le Parlement. Dans la démarche du nouvel Exécutif, tout laisse à penser que le Parlement, sur lequel le pouvoir s'est toujours appuyé pour se légitimer, ne semble plus remplir aux yeux de ce même pouvoir cette fonction. Après avoir empêché l'Apn de siéger pour débattre du bilan de Ouyahia à travers la présentation de la déclaration de politique générale du gouvernement, l'institution parlementaire est une fois de plus boycottée par l'Exécutif qui ne voit pas la nécessité de solliciter son approbation pour son programme d'action. Les observateurs auront remarqué que le nouveau gouvernement a entamé ses fonctions sur la pointe des pieds. Aucune ambiance ni solennité particulières n'ont accompagné la prise de fonction du nouveau gouvernement qui s'est déroulée presque à la sauvette. Même en situation d'urgence, on n'aurait pas fait mieux. En République les convenances ont un sens. Même la traditionnelle photo du gouvernement avec le président de la République n'a pas eu lieu. Le plus grave, c'est que ces entorses répétées à la Constitution se déroulent dans l'indifférence la plus totale de la classe politique et des institutions, comme le Conseil constitutionnel qui est supposé veiller au respect de la Constitution. Cette façon de faire met entre parenthèses la Constitution en disqualifiant les institutions en place, telles que le Parlement dont on ne semble plus s'accommoder même pas de son rôle de faire-valoir. La révision de la Constitution qui est un projet cher au nouveau chef du gouvernement passe par le gel ou le démantèlement de la Constitution en vigueur. C'est ce à quoi l'on assiste. Par petites touches, la loi fondamentale est peu à peu vidée de toute sa substance.