La haute commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, a été destinataire, la semaine dernière, d'un mémorandum élaboré par le Front des forces socialistes (FFS), dans lequel il l'alerte sur la situation critique des droits de l'homme en Algérie. En effet, le document, signé par le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, relève que l'adoption de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, le 29 septembre 2005, accorde, de fait, « l'impunité » aux criminels des groupes armés autant qu'à ceux des services de sécurité. Le parti de l'opposition souligne, à ce propos, qu'en interdisant aux victimes de déposer plainte ou de témoigner sur les violations commises depuis 1992, le pouvoir algérien procède à « l'absolution » des criminels. Pour le FFS, qui s'adresse à l'occasion de la création du Conseil des droits de l'homme à l'ONU, le 9 mai dernier, cette charte est décidée « unilatéralement » par le pouvoir et adoptée à l'issue d'un référendum « largement boycotté par la population ». Selon le parti de Hocine Aït Ahmed, le pouvoir entend « occulter » toute responsabilité dans un conflit qui a fait 200 000 morts, des milliers de disparus, des milliers de handicapés et des milliers de personnes déplacées. Le FFS indique que l'indemnisation des victimes et des bourreaux, « mis sur un pied d'égalité », ajoutée à l'interdiction de toute demande de vérité sur les crimes commis durant plus d'une décennie, créent une situation « insupportable » pour toute la société algérienne, « obligée de subir en silence l'affront de crimes impunis et de criminels en liberté ». Pour le parti de l'opposition, le pouvoir vient d'infliger à la société algérienne un « crime supplémentaire » en lui imposant de vivre sous un régime de « crimes sans criminels ». Les conséquences d'une telle « dissolution » du droit sont lourdes, selon le FFS, qui fait état de délabrement moral et politique du pays. « Le rythme des émeutes et de la répression au quotidien est porteur de tous les dangers d'implosion », prévient-il. Dans ce sens, le FFS fait remarquer la hausse vertigineuse de la criminalité, la multiplication des actes de vengeance individuels et la persistance d'un « terrorisme de basse intensité » qui font peser sur la société les risques d'un « basculement progressif dans l'anomie ». Le mémorandum explique que cette situation « intolérable » est le fruit d'une politique qui a fait de l'usage de la force et de la violence le seul « droit » en vigueur. Le FFS estime que depuis la promulgation de l'état d'urgence en février 1992, le pouvoir algérien s'est fixé pour mission permanente « la violation des droits de l'homme en vue de se maintenir ». Ainsi, le réquisitoire du FFS fait état de la violation de la liberté d'expression et de la presse, comme en attestent le refus d'octroi de l'agrément pour la création d'une publication et l'interdiction de titres déjà existants. Le FFS argumente, aussi, son grief par le harcèlement judiciaire des journalistes et l'installation de comités de lecture au niveau des imprimeries. Sur le plan politique, le mémorandum déplore la violation des droits de créer des associations ou des partis politiques par le refus d'octroi de l'agrément. Des exemples concrets corroborent cette critique, à l'instar des partis de Taleb Ibrahimi, de Sid Ahmed Ghozali et de Amara Benyounès qui attendent, depuis des années, le quitus du ministre Zerhouni. Sur un autre registre, le FFS n'a pas manqué de relever la violation des libertés syndicales en refusant l'octroi de l'agrément aux syndicats autonomes, à l'exemple du Cnapest et du Cla. Le FFS constate, aussi, le recours à la machine judiciaire pour l'interdiction des grèves et le harcèlement administratif, policier et judiciaire des syndicalistes.