Avec l'arrivée de la saison des grandes pluies et des vagues de froid, de nombreux cas de décès liés à l'inhalation du monoxyde de carbone sont enregistrés. Il ne passe pas un jour sans que les services de la protection civile n'annoncent des accidents dans ce cadre. La principale raison qui explique une telle situation est la prolifération des appareils de chauffage défectueux sur le marché national. Des appareils qui échappent au contrôle au niveau des frontières puisque importés frauduleusement et vendus également de manière informelle sans garantie, sans services après-vente et bien évidemment sans facturation. En effet, les chauffage et autres appareils destinés à l'utilisation domestique sont les exemples édifiants de la prolifération de l'informel et de la contrefaçon. Ce sont les principaux produits qui sont contrefaits à l'échelle mondiale et qui trouvent acquéreurs dans les pays où les moyens de contrôle font défaut et où l'informel bat son plein, comme c'est le cas de l'Algérie.Un cas qui illustre l'étroite relation entre les deux phénomènes. La sonnette d'alarme est à chaque fois tirée, mais les solutions tardent à venir amplifiant ces deux fléaux et augmentant le risque sur la santé des consommateurs.Tout le monde s'accorde à dire aujourd'hui que la lutte contre la contrefaçon ne peut se faire sans la lutte contre l'informel, mais quand de grands espaces où sont proposés tous types de produits qui échappent au contrôle au niveau des frontières ne sont nullement inquiétés, il est difficile de réussir cette bataille contre la commercialisation des produits contrefaits en Algérie. C'est le cas à El Hamiz, Dubaï, El Eulma, Tadjenent et dans les différents fiefs de l'informel où il y a foisonnement et concentration de tous ces appareils à hauts risques, d'effets vestimentaires imités, de produits cosmétiques, de pièces de rechange d'appareils et d'équipements sportifs. Un coût économique qui reste à évaluer Rien que pour les chauffages, l'on compte aujourd'hui plus de 40 000 unités réparties sur 18 containers bloqués à travers les différents ports du pays pour non-conformité aux normes de sécurité selon les derniers chiffres dévoilés la semaine dernière par le premier responsable du secteur, Mustapha Benbada. Un bilan presque identique a été dressé l'année dernière avec des promesses d'éradiquer le phénomène. Or, on se retrouve encore une fois cette année avec un marché inondé d'appareils «douteux», comme le confirment les services de la protection civile dans leurs communiqués. Les erreurs à l'origine des accidents se résument entre autres «dans la mauvaise ou le manque de ventilation, la non-conformité des équipements de chauffage, le mauvais montage». Une virée à travers le marché d'El Hamiz à l'est d'Alger le montre clairement. Ce sont beaucoup plus les produits fabriqués outre-mer qui sont les plus touchés par les tricheries, comme nous l'avons constaté sur place. Parallèlement, le nombre de victimes ne cesse d'augmenter. D'ailleurs, depuis le 1er janvier dernier, 231 personnes sont mortes en inhalant le monoxyde de carbone dégagé par des appareils de chauffage défectueux contre 397 en 2012, sans compter les personnes sauvées in extremis. En plus du coût social de la contrefaçon et de l'informel, il y a le coût économique qui est très lourd, même si à l'heure actuelle il n'y a pas encore d'études pour quantifier le phénomène. Que ce soit pour l'informel ou pour la contrefaçon, on note l'absence d'études claires à ce sujet. Il y a eu certes des promesses à ce sujet, mais à ce jour point de résultat. Un responsable au niveau de la direction générale des douanes nous le dira : «On ne peut pas donner de chiffres sur les produits contrefaits introduits frauduleusement sur le marché national parce qu'il n'y a pas eu d'études à cet effet», nous dira ce représentant des services douaniers. De même que le secteur fait face à un manque crucial de moyens pour effectuer le contrôle. Un point soulevé fin novembre dernier à Alger lors d'une rencontre consacrée à ce sujet en présence des responsables des différents secteurs ainsi que d'entreprises algériennes et étrangères ayant subi les contrecoups de la contrefaçon devant l'incapacité des responsables en charge du secteur de tout contrôler. Absence de normes et de moyens de lutte contre la contrefaçon Abdelhamid Boukahnoune, Directeur général du contrôle économique et de la répression des fraudes au ministère du commerce le dit clairement : «On ne peut pas tout contrôler systématiquement», reconnaît-il précisant dans ce sillage que ce sont les produits industriels qui sont le plus touchés par le phénomène de la contrefaçon et difficiles à contrôler en l'absence de normes. Pourquoi ? «Nous n'avons pas de références et de normes qu'on peut imposer aux importateurs et aux producteurs locaux. Pour effectuer une vérification, nous devons avoir les moyens de faire une comparaison et détecter la fausse copie», ajoutera t-il. D'où la nécessité, selon ce responsable, de transformer les normes enregistrées en Algérie en normes techniques. Or, d'autres secteurs sont impliqués dans cette opération. C'est en fait le manque de coordination entre les différents départements ministériels qui facilite l'entrée sur le marché de produits copiés. Les représentants des douanes algériennes n'ont pas manqué de le souligner, eux qui sont les plus impliqués sur le terrain dans la lutte contre l'informel et la contrefaçon. Cependant, là aussi les moyens font défaut, notamment en termes de formation même si de grands efforts ont été consentis A ce problème s'ajoute l'inertie des producteurs titulaires de marques. Ces derniers sont appelés en premier lieu à enregistrer leurs produits à l'INAPI (Institut national de la propriété industrielle) et à signaler toute fausse copie aux services du commerce et des douanes. Une manière d'éviter toute confusion parce qu'il y a, selon M. Boukahnoune, «certaines informations qui prêtent à confusion» concernant les produits industriels. Pour les produits alimentaires, le problème de la contrefaçon ne se pose pas beaucoup de l'avis de M. Boukahnoune, qui dira : «La conformité des produits alimentaires est bien maîtrisée, les services de contrôle n'interviennent pas dans ce cadre surtout après l'obligation de l'étiquetage.» Et d'ajouter : «C'est déjà une avancée. On a commencé par cette étape qui est maîtrisée à 80%. On arrivera avec d'autres programmes comme le laboratoire national d'essai qui entrera en vigueur en 2015.» Un projet également promis par le ministre du commerce, Mustapha Benbada, qui a annoncé en plus de ce centre destiné au contrôle de conformité des produits industriels la promulgation de décrets exécutifs pour la protection du consommateur et l'obligation du producteur ou de l'importateur à être responsable de ce qu'il étale sur le marché. Qu'en sera-t-il réellement sur le terrain ? Certains sont sceptiques à ce sujet. C'est le cas d'un représentant de l'entreprise ENIEM pour qui le centre ne sera pas au rendez-vous annoncé. «Au niveau de l'ENIEM, nous avons notre propre laboratoire de contrôle. Nous avons été sollicités par le ministère du commerce pour ce centre. Ça avance lentement. Je ne pense pas qu'il sera opérationnel en 2015.» En attendant donc que tous les moyens soient mis en place pour lutte contre la contrefaçon et que tous les acteurs soient impliqués, les entreprises de manière particulière et l'économie nationale de manière générale continuent à perdre de l'argent. Exemple : BCR 30% de pertes de parts de marché pour BCR Aux côtés de Nokia, le groupe SIAD, spécialisé dans les pièces de rechange, BMS Electrics, Schneider et Naftal, le groupe BCR a fait partie la semaine dernière de ceux qui ont présenté leurs témoignages sur les conséquences de la contrefaçon. Ainsi, en dix ans, ce groupe spécialisé dans la fabrication de boulonnerie, de robinetterie et de coutellerie a perdu jusqu'à 30% de ses parts de marché, selon son PDG, Ammar Halimi, qui relève que les produits contrefaits de la société sont distribués dans des volumes importants sur le marché algérien. «Le Groupe BCR perd depuis 1994 de 20 à 30% de ses parts de marché et nous essayons aujourd'hui de les récupérer», a précisé M. Halimi aux participants de la rencontre sur la contrefaçon, précisant qu'«en valeur, le groupe a perdu entre 400 et 500 millions DA à cause de ce fléau». Théoriquement, les matériaux exigés pour l'industrialisation de la robinetterie sont constitués exclusivement de cuivre, d'aciers inoxydables et de plastiques alimentaires pour protéger l'eau destinée à la consommation humaine. Cependant, les robinets contrefaits ne répondent pas à ces exigences avec tous les risques que cela présente sur la qualité de l'eau et la santé des consommateurs et sur le budget du secteur.