La Centrafrique risque de sombrer dans la guerre civile. Et l'appel lancé, hier, par le président Michel Djotodia pour un «sursaut national» risque de tomber dans l'oreille d'un sourd. Alors que sa légitimité est déjà sujette à caution, Michel Djotodia a renouvelé, hier, son offre de dialogue aux milices chrétiennes qui s'acharnent, depuis des semaines, sur la communauté musulmane à coups de fusil et de machette. «Nous sommes condamnés à enclencher la bataille de la réconciliation nationale pour le triomphe du bien sur le mal. Mais pour y arriver, il nous faudra une plus grande dose de patriotisme et un sursaut national», lançait hier le président Djotodia, dans une déclaration lue aux médias à sa résidence de Bangui. «Transformons dès maintenant nos machettes, nos fusils et autres armes en bulletins de vote et gardons notre mal en patience», a plaidé l'ancien chef rebelle, arrivé au pouvoir par les armes en mars 2013 à la tête de la Séléka, une coalition hétéroclite de groupes armés musulmans. «Je renouvelle mon entière disponibilité à discuter avec tous ceux qui ont pris les armes, à tort ou à raison, pour qu'enfin tous, sans exception, nous soyons désarmés», a-t-il poursuivi, un désarmement physique mais aussi et surtout un désarmement de cœur, car la survie de notre nation en dépend.» C'est la seconde fois que le président Djotodia fait une telle offre de dialogue aux milices d'autodéfense chrétiennes «anti-balaka» (anti-machette, en lutte contre les Séléka) depuis les massacres à grande échelle qui ont éclaté le 5 décembre à Bangui et fait près d'un millier de morts dans le pays. Mais il n'est pas sûr que cet appel soit entendu. Les déclarations de M. Djotodia interviennent au lendemain d'un nouveau regain de violence dans la capitale centrafricaine, où une trentaine de personnes ont trouvé la mort dans des affrontements à proximité de l'aéroport, impliquant des soldats tchadiens de la force africaine. La journée d'hier a été relativement calme, mais un calme précaire tant les milices gardent encore leurs armes. Les soldats français de l'opération Sangaris et les troupes de la force africaine (Misca) ont poursuivi leurs patrouilles dans les rues. L'armée française a maintenu «tous ses moyens déployés» dans la ville pour prévenir «l'embrasement». «Le contexte est tellement volatil qu'on est condamnés à travailler au jour le jour. On ne peut pas anticiper. La situation est hyperpréoccupante», s'est alarmé un responsable sur place de Médecins sans frontières (MSF), Thomas Curbillon. Les musulmans en effervescence Plusieurs centaines de ressortissants tchadiens se sont regroupés, en attendant leur évacuation par avion, sur la partie de l'aéroport servant de camp militaire au contingent tchadien de la Misca. «On nous tue ici parce que nous sommes musulmans et tchadiens. On dit que c'est nous qui avons amené la Séléka au pouvoir, c'est pourquoi nous partons», expliquait un jeune homme. Souvent appelé à la rescousse pour protéger ses ressortissants, comme les civils musulmans centrafricains, le contingent tchadien de la Misca se retrouve aujourd'hui en première ligne, accusé par de nombreux Banguissois d'être complice des ex-Séléka.