Promouvoir la culture berbère dans l'Hexagone nécessite un travail de longue haleine. Le jeune Assad Si El Hachimi est dans la capitale française pour tisser des liens avec le monde associatif et culturel Objectif : propulser l'amazighité à la modernité, hors de ses frontières naturelles. Vous êtes en France pour lancer un projet sur l'organisation des associations berbères en Afrique du Nord. Qu'en est-il exactement ? Je suis effectivement en mission de travail pour une première prise de contact avec l'institut Maghreb-Europe de Paris VIII et plus précisément avec le coordinateur du projet sur le discours des associations amazighes, Le Saout Didier. Il s'agit d'un travail de recherche d'envergure qui touchera l'Algérie, le Maroc et la France .C'est pour vous dire la complexité de cette problématique sur le rôle des associations amazighes dans l'activité citoyenne, culturelle et politique de chaque pays. A présent, il est question de finaliser les aspects liés à la méthodologie et à l'orientation générale du travail de l'équipe de recherche composée de doctorants et de post-doctorants des trois pays. Il reste bien sûr à discuter des questions budgétaires et de moyens logistiques à réunir pour mener à terme cette recherche. Qu'en est-il des associations berbères en France ? Sur le plan numérique, elles sont de plus en plus nombreuses. Comme partout dans les pays où il y a une présence de notre communauté. Nous, nous constatons l'émergence d'associations qui activent pour la promotion de la culture et de la langue amazighe avec un fonctionnement qui respecte les lois-cadres de chaque pays (France, Allemagne, Canada, Suisse...). Cette organisation citoyenne fait beaucoup pour l'image de l'Algérie sur la scène internationale. Les associations amazighes affichent une identité propre par une certaine fierté d'appartenance à une origine aussi lointaine que l'histoire. En France particulièrement, et pour des raisons historiques connues, les associations amazighes sont plus actives qu'ailleurs. Elles exercent depuis des décennies déjà un poids incontestable sur la scène politique française. Aussi, force est de constater que la diaspora kabyle en France s'efforce d'entraîner des influences sur le culturel, voire même le politique en Algérie. Vous êtes directeur de la Promotion culturelle au Haut commissariat à l'amazighité et commissaire du Festival du film amazigh. Comment faites-vous pour développer les relations entre les associations algériennes et celles de l'autre côté de la Méditerranée ? L'amazighité touche essentiellement l'Afrique du Nord. Mais, eu égard aux mouvements d'immigration des communautés amazighes, il y a eu extension de l'espace exprimant cette identité. Aujourd'hui, il est inconcevable de priver la communauté algérienne, en France ou ailleurs, de ce travail de réhabilitation mené par l'Etat. C'est par ce ressourcement que l'Algérie peut canaliser les énergies et les compétences de nos concitoyens immigrés au service des intérêts du pays .Nous travaillons justement dans le sillage du rapprochement entre les différentes régions du pays avec notre communauté, en premier lieu, puis avec les autres nationalités . L'Algérie plurielle est fascinante à tel point, que beaucoup d'associations du bassin méditerranéen aspirent au développement des projets de partenariat avec nous. Notre rôle est d'accompagner ce genre d'initiative sur le terrain, d'encadrer les rencontres, et de travailler pour des perspectives meilleures. Le Festival du film amazigh tarde à arriver en France. Avez-vous des projets dans ce sens ? Le festival du film amazigh, désormais institutionnalisé, fonctionne avec une ligne éditoriale claire. Il est itinérant dans le but de toucher les grandes villes d'Algérie où il y a disponibilité d'infrastructures. Mais aussi pour décentraliser et démocratiser le cinéma amazigh. La perspective est de le localiser dans la capitale, Alger, une fois que la tournée des principales villes d'Algérie sera achevée. Reste maintenant cette demande émanant de notre communauté, ici en France. Je pense que le relais doit être assuré par les institutions cinématographiques et associations amazighes qui doivent reprendre nos programmations afin d'assurer une réelle promotion du cinéma algérien d'expression amazighe et l'encouragement de la création artistique dans cette langue. En 2003, dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France, nous avons pu concrétiser une belle rencontre cinématographique amazighe au Cinéma Magic de Bobigny. Rien ne nous empêche aujourd'hui de renouveler cette expérience avec des partenaires solides. L'amazighité ne jouit pas spécialement de lignes de crédits très importants. Comment faites-vous pour promouvoir cette culture avec si peu de moyens ? Ma conviction est de dire que les moyens et les finances ne sont pas des préalables pour mener des projets d'intérêt communautaire. Quand il y a l'adhésion, l'engagement, mais surtout la moralité, il faut faire le premier pas sans hésitation. Tout suivra de facto. Dans ce domaine, beaucoup de projets ont vu le jour grâce à notre engagement, à notre persévérance et à notre vocation. Ce qui me réconforte d'ailleurs, c'est la reconnaissance de l'effort fourni. Pour la question des crédits, il faut aussi dire que l'Etat ne cesse de fournir la preuve de son engagement pour la promotion de la langue et de la culture amazighes. Cela date déjà depuis 1990 avec l'enseignement de tamazight à l'université algérienne puis en 1995 avec la création du HCA. Aujourd'hui avec l'introduction de tamazight dans la Constitution, les institutions de l'Etat doivent se faire un devoir d'accompagner, de soutenir et d'encourager toutes les initiatives, toutes les créations artistiques, toutes les œuvres susceptibles d'enrichir la culture nationale dans toutes ses formes d'expression. Les villages kabyles sont enclavés. Comment faire pour les ouvrir à l'Algérie, à l'universalité ? Le travail concerne en premier lieu les institutions mais aussi la société civile avec son mouvement associatif. Le désenclavement se fait par un travail de proximité, qui à mon sens est une prérogative citoyenne qui doit accompagner l'action institutionnelle. Les villages de Kabylie, comme Agouni Bouragh, par exemple, peuvent sortir de l'anonymat grâce à leurs associations en tissant des liens avec leurs propres enfants de l'autre rive, installés en France essentiellement. C'est par des projets de jumelage et d'activités culturelles et civiques qu'un tel village peut fournir la preuve de son ouverture vers l'extérieur. Notre travail intervient dans la facilitation des initiatives prises par les villageois eux-mêmes.