Des citoyens lambda, des médecins, des pilotes en retraite et des professeurs d'université se disent victimes d'escroquerie de la part de la promotion immobilière Aboura. Une vingtaine d'acquéreurs de logement formule «vente sur plan» demandent au ministère de l'Habitat l'ouverture d'une enquête afin de lever le voile sur ce qu'ils qualifient «d'escroquerie». D'après ces pères de famille, qui ne cherchaient qu'à acquérir un toit pour leurs enfants, le promoteur qui a la charge de réaliser leurs logements les a tout simplement arnaqués. «Nous sommes victimes d'une véritable escroquerie. Certains d'entre nous ont perdu tout ce qu'ils avaient», dira un acquéreur, médecin de son état. Les propos des autres attributaires viennent consolider ses dires, où il est question en premier lieu d'évoquer un drame, car il s'agit véritablement d'un drame. «Nous avons été la proie d'une personne sans foi ni loi, elle nous a menés à la ruine», déplorent-ils. Rien n'est en mesure de consoler ce professeur d'université, qui a été délesté de 50 années d'économie et d'un bien familial d'une valeur inestimable. «Il m'a pris tout ce que j'avais, y compris un bien appartenant à ma famille», dira-t-il. L'homme est loin d'être crédule, mais face à ce genre de promoteur, aucune lucidité ne semble faire le poids. «Pour arriver à ses fins, le promoteur a soudoyé des employés de l'APC, un notaire et des fonctionnaires de la DUCH», assurent-ils. «Il est question pour nous d'épargner à d'autres acquéreurs de se faire avoir. Nous voulons que cela cesse, car le promoteur continue à sévir. Il fera certainement d'autres victimes», poursuivent-ils. Que ce soit ceux des Grands Vents, d'El Mouradia ou de Blaise Pascal, les acquéreurs dans leur ensemble se disent être victimes d'une escroquerie en bonne et due forme. Site des grands vents Les acquéreurs de ce site affirment qu'ils se sont acquittés de la totalité du prix du logement et même des frais du fonds de garantie, ce qui est contraire à la réglementation dans les deux cas de figure. Sans parler des délais de réalisation qui n'ont pas été respectés. «Au bout du compte, le bâtiment où se trouve mon logement a été démoli, pour cause de malfaçons. Le promoteur me propose un logement de substitution dans un autre site, mais avec une révision du prix à la hausse», déplore un acquéreur. Site d'El Mouradia Au niveau de ce site, le promoteur a établi des contrats de réservation de logements pour les acquéreurs au 4e voire au 5e étage, alors que le permis de construire est de R+3, ce qui est en soi un abus de confiance. Quant aux délais de réalisation, ils ont été dépassés de 5 années. Par ailleurs, le promoteur a revu à la hausse les prix des logements, ce qui n'est pas prévu dans les contrats. Outre ces lacunes, l'APC a mis en demeure le promoteur, exigeant de lui l'arrêt des travaux, pour non-respect des règles de l'urbanisme. Le promoteur ne s'est par arrêté à ce stade puisqu'il s'est permis de déformer les appellations des niveaux par «un jeu de mots», disent-ils, afin de faire créditer la suppression du 3e étage dans le but «d'évincer les acquéreurs situés au 3e étage», «et par la suite vendre ces logements à de nouveaux acheteurs à des prix plus élevés». Cette démarche du promoteur qui consiste à déformer l'appellation des niveaux est illégale. Le promoteur Aboura a réussi même à induire en erreur le conservateur foncier pour modifier l'EDD qui a été publié à la Conservation foncière le 15 novembre 2006. Fort heureusement, une décision administrative a annulé cette démarche. Cette confusion dans l'appellation des niveaux a pour conséquence la non-publication des actes de propriété depuis trois ans. Il est également à signaler que certains acquéreurs disposent des actes de vente sur plan (VSP) notariés, enregistrés et publiés à la Conservation foncière avec livrets fonciers et confirmés par des décisions de justice le 13 octobre 2010. Au lieu de livrer les logements conformément aux engagements et obligations contractuels, le promoteur Aboura «se permet de les louer illégalement à la société étrangère Lafarge». Ces logements sont la propriété des acquéreurs, ce qui est un abus des biens d'autrui. Nous apprendrons des acquéreurs que les responsables de la société Lafarge ont, dès qu'ils ont appris que les logements qu'ils louent auprès du promoteur Aboura n'étaient pas sa propriété, résilié les contrats de location et évacué les logements. Site Blaise Pascal 2 Tout comme les autres sites, les acquéreurs au niveau de Blaise Pascal 2 ont été malmenés par le promoteur. Citons, à titre d'exemple, le cas de cet acquéreur pour qui il a été établi un contrat de réservation le 3 novembre 2002. Le prix du logement a été réglé à hauteur de 80%. La réservation a été effectuée au 5e étage, alors que le permis de construire est de R+2. Pis encore, le promoteur s'est permis au début du projet d'apposer une plaque indiquant construction d'un bâtiment de R+6, alors que le permis de construire est seulement de R +2. Le promoteur propose alors à l'acquéreur un logement dans un autre site au prix actualisé de 2013, ou le remboursement en valeur absolue de la somme versée en 2002, c'est-à-dire sans tenir compte de ce que représentait cette somme en 2002. Site Blaise Pascal 1 Les acquéreurs au niveau de ce site occupent leurs logements, mais ils sont continuellement soumis à un «chantage» pour payer encore de l'argent afin d'obtenir leur acte notarié. Aussi, signalons que ces logements ont été livrés par le promoteur Aboura sans le moindre respect des clauses du contrat concernant les travaux des VRD et les malfaçons constatées. «Pour cela, nous demandons une expertise technique, car il y a danger imminent», affirment les acquéreurs. Pour toutes ces raisons, ces citoyens interpellent le ministre de l'Habitat et le ministre de la Justice. «Nous demandons l'application des mesures coercitives conformément à la loi n° 11/4 du 17 février 2011 et au décret exécutif n° 12/84 du 20 février 2012, qui stipulent que tout promoteur en infraction aux dispositions de la loi et du décret cités ci-dessus est puni par des sanctions administratives et pénales», expliquent-ils.