Mardi dernier, l'Egypte a connu l'une des attaques terroristes les plus sophistiquées et organisées depuis la destitution de Mohammed Morsi, le 3 juillet dernier. L'attaque, imputée aux Frères musulmans par le régime en place, a servi d'argument pour faire de la confrérie un «groupe terroriste». Hier, à 9h, une bombe artisanale a explosé dans un bus, au Caire, faisant un mort et 4 blessés. Le ministère de la Santé a cependant assuré qu'aucun des blessés ne se trouvait dans un état critique. Par ailleurs, dans la nuit de mardi à mercredi, la localité de Mansoura, située sur le delta du Nil, à 120 km de la capitale, Le Caire, a été la cible d'un attentat à la bombe dont le bilan s'élève au moins à 15 morts et une centaine de blessés. Parmi les victimes, 12 policiers sont à déplorer. En effet, la voiture bourrée de dizaines de kilogrammes d'explosifs, d'après les autorités égyptiennes, a explosé à proximité d'un commissariat de police, qui avait déjà été la cible d'attentats toujours déjoués jusque-là, comme ce fut le cas le 27 octobre dernier. La confrérie des Frères musulmans a très vite été désignée comme responsable des récents événements par le gouvernement de transition en place depuis la destitution de Mohammed Morsi, le 3 juillet dernier. Plus encore, la confrérie a officiellement été déclarée «groupe terroriste» à l'issue d'une réunion ministérielle exceptionnelle qui s'est tenue mercredi. Une déclaration qui intervient trois mois, jour pour jour, après une décision de justice de septembre dernier qui interdit les activités de la confrérie : «La cour interdit les activités de l'organisation des Frères musulmans et de son organisation non gouvernementale et toutes les activités auxquelles elle participe et toute organisation qui en dérive», concluait ainsi le tribunal du Caire. Hier, la justice égyptienne a inculpé 18 membre de la confrérie pour «terrorisme». Myrna, jeune Egyptienne, habitant Le Caire, regrette, pour sa part, «la hâte avec laquelle les Frères musulmans ont été accusés de cet attentat». Et d'ajouter : «Les Egyptiens à qui j'ai pu parler sont convaincus qu'il s'agit des Frères musulmans, pour eux, ce ne peut être personne d'autre.» REPRESSION Un politologue spécialisé du monde arabe explique : «Accuser les Frères musulmans n'est pas surprenant. Pour le régime qui est, en fait, dirigé par l'armée, cet attentat est du pain béni pour en finir avec la confrérie qui, qu'on le veuille ou non, continue de peser de tout son poids sur la société égyptienne. Cependant, je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse de leur œuvre.» Et pour cause, un groupe djihadiste affilié à Al Qaîda a revendiqué l'attaque de Mansoura. Pour sa part, un dirigeant des Frères musulmans invite ses partisans à continuer d'occuper la rue, considérant la décision comme «invalide et illégitime». Pourtant, maintenant que la confrérie est considérée comme étant un groupe terroriste, elle est interdite de manifestations dans la rue et par conséquent, la répression des forces de l'ordre serait parfaitement légitime en application de la loi antiterroriste de 1992, toujours en vigueur. En effet, celle-ci contient une définition extensive de l'acte terroriste et va, explicitement, «jusqu'à criminaliser l'exercice légitime de la liberté d'expression», comme l'explique le rapport de l'ONG Al Karama, qui milite pour les droits de l'homme. Le vice-Premier-ministre Hossam Eissa a annoncé que la justice égyptienne punirait, «conformément à la loi, quiconque continuerait à appartenir à ce groupe après cette annonce». Le ministre de la Solidarité sociale, Ahmad El Boraie, a de son côté ajouté que la loi serait «strictement appliquée». Une loi qui contient un volet permettant à la justice égyptienne d'avoir recours à la peine capitale.