- Le 7 mars dernier, le parquet d'Alger avait annoncé la délivrance de plusieurs commissions rogatoires internationales à destination des autorités judiciaires suisses, italiennes et émiraties dans le cadre de l'affaire Sonatrach 2. Or, ce n'est que le 2 juin 2013 que la demande d'entraide judiciaire fut officiellement transmise par les autorités judiciaires algériennes à leurs homologues suisses. Comment expliquez-vous cet état de fait sachant que la délivrance de toute commission rogatoire requiert une demande d'entraide judiciaire au préalable ? Les commissions rogatoires requises en matière d'infractions qualifiées de corruption, bénéficient des dispositions de la Convention internationale de lutte contre la corruption et le crime organisé, en ce sens que l'entraide judiciaire la plus large possible est accordée aux Etats parties à la Convention. Sous réserve de réciprocité, bien entendu. Aussi, la demande des autorités judiciaires algériennes que vous évoquez peut être traitée à la lumière des principes de réciprocité et de la qualité de partie à la Convention internationale de lutte contre la corruption. - En août dernier, le procureur général près la cour d'Alger avait insisté sur la détermination de la justice algérienne à récupérer les avoirs issus des pots-de-vin placés à l'étranger en lien avec l'affaire Sonatrach. Pourriez-vous nous dire comment peut être engagée et menée la procédure au plan juridique ?
La loi algérienne prévoit des mesures pour le recouvrement direct de biens acquis consécutivement à des faits de corruption (Art 62 loi n° 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption). Il faut pour cela une décision judiciaire ordonnant la confiscation de biens acquis au moyen de l'une des infractions prévues par la loi sur la lutte contre la corruption. Elle est exécutée selon des procédures prévues par la même loi. Mais le plus intéressant est dans les dispositions de la même loi, et relatives au gel et à la saisie. En effet, des mesures conservatoires peuvent être prises aux conditions de formes et de fond prévues par la loi. Notamment, celles relatives à l'intervention d'une décision nationale ordonnant le gel et la saisie de ces biens, en ce qui concerne la forme. Et sous réserve que cette décision ait été prise sur la base d'éléments probants, telle l'arrestation ou l'inculpation à l'étranger de la personne mise en cause. Et il y a la procédure de confiscation qui intervient après épuisement des procédures de gel et de saisie. En effet, il existe une coopération dite «spéciale» entre les Etats parties à la Convention de lutte contre la corruption ; celle-ci est prévue par l'article 69 de la loi n° 06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Elle porte sur la communication à un Etat partie d'informations sur le produit d'infractions établies légalement, sans demande préalable d'ailleurs, lorsque ces informations pourraient aider ledit Etat à engager des poursuites, ou mener une enquête, ou l'aider à présenter une demande aux fins de confiscation. La procédure de coopération aux fins de confiscation est prévue dans l'article 67 de la loi n° 06-01 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption.
- Les magistrats milanais qui enquêtent sur diverses affaires de corruption impliquant la compagnie italienne Saipem et le canadien SNC-Lavalin se seraient plaints du manque de coopération de leurs collègues algériens. Idem pour le procureur suisse Yves Bertossa. Quelle lecture en faites-vous ?
La prise en charge et le traitement des affaires de grande corruption et du crime transfrontalier et du blanchiment du produit du crime est un phénomène relativement récent pour l'institution judiciaire algérienne. Il faut une formation adéquate et de haut niveau. Il faut intégrer les dispositions juridiques internationales dans l'ordre judiciaire national. Il faut assurer aux personnels judiciaires une formation technique rigoureuse aux fins de maîtrise des procédures d'entraide judiciaire et de coopération internationale dans le domaine spécifique à la lutte contre la corruption et le crime organisé. La lutte contre la corruption exige, avant tout, une réelle volonté politique.