L'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) est scandalisée par les nouvelles révélations sur l'affaire des pots-de-vin entre Sonatrach et le groupe pétrolier italien ENI. Dans un communiqué parvenu hier à la rédaction, celle-ci constate que du côté algérien, il n'y a “toujours pas de réaction", alors que l'enquête du parquet de Milan porte sur plusieurs grands contrats conclus par les deux groupes. Selon elle, ce “silence est plus qu'inquiétant", alors que l'opinion publique nationale est en attente d'au moins une déclaration de Sonatrach ou, à défaut, du ministère de la Justice. Mesurant “la gravité" de l'affaire de corruption et de “l'énorme proportion" des commissions occultes versées (près de 200 millions d'euros) à de hauts responsables algériens, l'AACC demande qu'une coopération judiciaire soit installée “rapidement" entre l'Algérie et l'Italie. “Le gouvernement algérien doit sortir de son silence et affirmer haut et fort, et par des actes concrets, sa volonté de laisser la justice poursuivre l'enquête", insiste l'association, espérant que cette “enquête (...) ne soit pas à deux vitesses : inculper les uns et épargner les principaux responsables de ce scandale". L'AACC souhaite également que des mesures conservatoires soient prises “pour que nul n'échappe à la justice". Aussi, insiste-t-elle sur l'existence d'instruments internationaux en matière de coopération internationale et d'entraide judiciaire dans la lutte contre les affaires de corruption transfrontalière. Pour preuve, soutient-elle, l'Italie a ratifié, dès 2000, la Convention de l'OCDE, pénalisant la corruption de fonctionnaires étrangers. De plus, les autorités de Rome, comme celles d'Alger, ont ratifié la Convention de lutte contre la corruption de l'ONU, qui appelle à “promouvoir, faciliter et appuyer la coopération internationale et l'assistance technique (...), y compris le recouvrement d'avoirs", non sans encourager “la coopération entre autorités nationales", l'“entraide judiciaire" et “les enquêtes conjointes". Pour peu que la volonté politique soit de la partie. Sur le plan bilatéral, l'AACC évoque la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale, signée par les deux pays, en février 2005. Par ailleurs, elle fait référence à la loi algérienne n°06-01 du 20 février 2006 sur la prévention et la lutte contre la corruption qui stipule, dans son article 57, que “l'entraide judiciaire la plus large possible est particulièrement accordée aux Etats-parties à la Convention, en matière d'enquêtes, de poursuites et de procédures judiciaires concernant les infractions de corruption prévues par la présente loi". Pour l'AACC, les textes sont là et rien ne saurait donc justifier le silence des autorités du pays sur “une tchipa" devant permettre à la firme italienne de décrocher “8 contrats de travaux dans les projets algériens de gazoduc Medgaz et du gisement Menzel Ledjmet-Est, évalués à 11 milliards de dollars (8,2 milliards d'euros)". Et ce, d'autant que l'ancien président d'ENI était impliqué, il y a 20 ans, dans des affaires de pots-de-vin versés à des intermédiaires pour “faciliter" la conclusion des négociations sur l'achat de gaz algérien et le doublement du gazoduc qui relie les deux pays. Sur ce sujet, l'association rappelle que, dans ce premier scandale, “Saipem (chargée du doublement du gazoduc entre l'Algérie et l'Italie) plaça l'argent des pots-de-vin dans des comptes de sociétés-écrans installées dans des paradis fiscaux, comme le Liechtenstein". L'AACC considère que si, depuis plus de 30 ans, de grandes affaires de corruption continuent de polluer les relations économico-commerciales entre Alger et Rome, “c'est que dans ces deux pays, pas grand-chose n'a été fait pour contrer ce fléau". L'indice de perception de la corruption (IPC) pour 2012 est là pour le prouver : pour seulement 2012, l'Italie est classée à la 72e place (dernière au niveau des 27 pays de l'UE), alors que l'Algérie est placée à la 105e place. H A