Le projet de confortement a produit plutôt le contraire. Depuis, les choses sont restées telles quelles. Avec l'effondrement d'une aile de l'ancien tribunal de la ville de Béjaïa en 2011, c'est en fait la situation des immeubles de tout le quartier limitrophe qui suscite l'inquiétude chez les riverains. L'association Citadelle Casbah, qui prend à corps les îlots délimités plus bas par la Rampe du port et en amont par le marché Philippe, alerte l'APC, la daïra et la wilaya. A son tour, le collectif des résidants de la rue Aïssat Idir a saisi par écrit en date du 23 septembre 2013, le chef de daïra. Il réclament une opération d'urgence. Le séisme de novembre 2012 a accru leurs craintes. Ils décrivent «une vétusté avancée, davantage fragilisée par les multiples secousses telluriques survenues depuis». Ils n'omettent pas de rappeler à ce propos le constat établi par la commission d'expertise lors de la visite effectuée le 17 décembre 2012, qui a conclu à un sinistre de catégorie 4. D'autre part, le collectif réclame l'application du décret exécutif n°13/187 du 6 mai 2013 portant création et délimitation du secteur sauvegardé de la vieille ville, d'autant plus qu'une commission s'est déplacée sur les lieux, il y a peu, posant un diagnostic étayé par des photos, par appartement, y compris évidemment les parties communes. Les habitants attendent une intervention en urgence, «avant qu'une catastrophe ne survienne, suite à des inondations ou un autre séisme de forte intensité». Ils énumèrent des travaux qui ne peuvent attendre : réfection de toutes les toitures, ravalement des façades, confortement avec des murs de soutènement, réparation des descentes d'eaux pluviales, réfection des réseaux d'évacuation des eaux usées et des eaux pluviales. Ils suspectent à ce sujet des déviations, des obstructions et des fuites dues à des buses éclatées çà et là. C'est sur ce dernier aspect qu'une jonction est établie avec l'accident de l'ancien tribunal. Un joyau architectural qui a vécu de multiples épisodes d'atermoiements. Alors qu'un affaissement était visible depuis des années sur la chaussée aux abords du tribunal. Les premières fissures apparaissent en 1993. Une expertise réalisée en 1994, par le LNHC, en collaboration avec le CTC-Est met l'accent sur «l'urgence de conforter le bâtiment vu qu'il est fortement fragilisé par des eaux souterraines dues à une rupture de conduites». Mais ce n'est qu'en 2002 que la direction de l'urbanisme a commandé une étude géotechnique pour confortement de l'édifice. De là, il faut patienter jusqu'à 2008 pour voir engagé un bureau d'études chargé de réviser l'étude déjà faite en y intégrant un drainage des eaux, car un affaissement est constaté. Entre-temps, une cession est intervenue au profit de la direction de la culture. Celle-ci lance en 2008 deux appels d'offres qui s'avèrent infructueux. Les soumissionnaires devant présenter la particularité de compter dans leur organigramme un architecte spécialisé en sites et monuments. Enfin, en 2010, un bureau d'études est contracté. Mais en plein travaux de confortement, une aile s'effondre en novembre 2011. Le projet de confortement a produit plutôt le contraire. Depuis les choses sont restées telles quelles. Le collectif des résidants de la rue Aïssat Idir interroge les parties engagées : «Pourquoi le chantier est-il depuis à l'arrêt ?» Quel sort est subséquemment réservé au reste des immeubles ? Le risque est latent pour ceux notamment situés sur la même assiette, sous-pèse le collectif, car présentant les mêmes paramètres géophysiques. Des habitants rencontrés signalent de nombreuses lézardes et fissures, d'ailleurs consignées par la commission d'expertise citée. On parle de chutes de fragments de balcons, faisant craindre pour les passants. On cite l'exemple d'un pare-brise d'un véhicule qui a récemment volé en éclats. Pour Mourad Smiel, technicien dans le secteur du bâtiment, «la situation de vétusté tend à se généraliser en fait dans la vieille ville». Il estime toutefois que si le décret 13-187 a suscité «beaucoup d'espoir», il est attendu en juste cause «une application immédiate» afin de lever les inquiétudes dans une ville où la hantise des séismes est omniprésente. Quant à l'association Citadelle Casbah, échaudée par l'expérience du tribunal qui a mal tourné, elle souhaite la réouverture de la collecte d'informations, auprès de tous les résidants, suggérant que l'opération soit menée par des techniciens maîtrisant les techniques de consolidation et de restauration du vieux bâti. Tout en considérant nécessaire au préalable une réunion conjointe avec l'ensemble des résidants, afin de «penser ensemble la solution». Elle souligne que de la sorte elle serait convaincue «d'une mise en train réelle de la solution».