Devant le conclave des officiers supérieurs, le vice-Premier ministre a dessiné, hier, les contours de la nouvelle Egypte… Sous sa conduite. Le général Abdelfatah Al Sissi, et néanmoins vice-Premier ministre et ministre de la Défense, a confirmé implicitement, hier, sa volonté de se porter candidat à la présidence de l'Egypte. Répondant à une sollicitation des officiers participant à une conférence organisée par l'état-major de l'armée, Al Sissi n'a pas dit oui, mais il l'a suggéré. «Personne parmi vous ne pourra parler au nom du peuple égyptien. Et les Egyptiens quand ils ont voulu le changement sont sortis dans la rue…» Une réponse qui sonne comme une mise en scène de ce conclave des officiers supérieurs qui se sont levés hier pour applaudir à tout rompre le virtuel «raïs». La presse égyptienne a majoritairement commenté cette réunion du cénacle de l'armée comme une confirmation d'un processus politique devant aboutir à terme à la désignation «élective» de l'auteur du coup d'Etat contre le président élu, Mohamed Morsi. Le général Al Sissi, qui faisait semblant de respecter la volonté populaire, a tout même glissé : «Je ne tournerai jamais le dos à l'Egypte (…) Quand les Egyptiens disent quelque chose, moi je l'exécute.» Voilà qui est clair… Al Sissi en a profité aussi pour appeler les Egyptiens à «assumer leur responsabilité nationale» en participant «fortement» au référendum sur le projet de la Constitution pour, dit-il, «corriger le processus démocratique et construire un Etat démocratique moderne qui satisfait tous les Egyptiens».Le général a tenté par la suite de se la jouer un peu légaliste en demandant au peuple égyptien de ne pas «l'incommoder» personnellement en l'appelant à se porter candidat. «L'armée soutient la volonté populaire et la préserve conformément à la Constitution ; il n'y a aucune décision personnelle en son sein et tout se décide démocratiquement», a dit Al Sissi. Le vice-Premier ministre s'en est pris au courant islamiste qu'il dit avoir averti quand il était chef des moukhabarate et affirme qu'«ils ne pouvaient pas réussir au pouvoir». Les Frères ont échoué «Leur problème est qu'ils ne savent pas que l'islam de la Jamaâ ne pourra pas réussir à gérer un Etat», attaque le général. Et d'accuser les Frères musulmans «d'intégrisme» en ce qu'ils refusent d'après lui les «nouvelles idées». «Ils vont rendre des comptes à Dieu pour les destructions, les tueries et la mauvaise image qu'ils ont donnée de l'islam dans de nombreux pays», tonne Al Sissi, contre les «Frères». Il est clair que ce discours devant les hauts gradés de l'armée égyptienne et un aréopage de personnalités politiques, culturelles et universitaires égyptiennes à l'image de Amr Moussa sonne comme une déclaration de candidature. Intervenant à la veille du référendum sur la Constitution prévu mardi et mercredi, ce discours de Abdelfatah Al Sissi s'apparente à une volonté de légitimer son coup d'Etat et partant son entrée en scène pour la présidentielle. «L'Egypte est à la veille d'une étape cruciale de son histoire dont le monde entier attend les résultats de la mise en œuvre de la feuille de route après deux révolutions uniques», soutient Al Sissi. Et de renchérir : «Nous avons ébloui le monde par le caractère pacifique de nos deux révolutions et par la relation de confiance entre le peuple égyptien et son armée solide qui a préservé la nation durant l'histoire.» L'homme décline ainsi un véritable programme électoral en attendant que la «volonté populaire» s'exprime par des «pétitions de soutien» comme l'on en voit dans les régimes autoritaires. On annonce d'ailleurs une méga-pétition devant réunir 30 millions de signatures pour «réclamer» la candidature de Abdelfatah Al Sissi à la prochaine présidentielle. C'est dire qu'en Egypte, l'armée qui a été «déchue» du pouvoir à la faveur du renversement de Moubarak est en passe de retrouver les rênes du pays par la magie d'un coup d'Etat dit «populaire». C'est une question de temps.