L'art est, par essence, opposé à la nature. En ce sens, il est artifice, invention ou reflet déformé de la réalité. En peinture, Jackobson préfère parler de déformation (des objets). Mais quel est donc le rôle de l'art et de celui qui s'y adonne passionnément, l'artiste, dans la formation de la société ? En d'autres termes, l'art, qui vise l'absolu du beau, du parfait, en se conformant aux canons classiques, ou au contraire, en les rejetant pour renouveler par d'autres voies l'idéal de beauté et de perfection, parfois de laideur et d'horreur, a-t-il aussi un rôle didactique ?A travers un programme culturel et artistique riche et varié, élaboré par l'institut régional de musique, qui s'est étalé sur une semaine jusqu'à aujourd'hui, les organisateurs de cette rencontre nationale sur le rôle de l'art et de l'artiste dans la formation de la société ont tenté de répondre à cette question. Par ailleurs, toutes les voies sont explorées, à savoir une exposition de tableaux, de bustes, de pièces de théâtre, une chorale et de la musique meublent à la perfection ces journées dédiées exclusivement à la création et au génie humain. Il y a eu également des conférences comme celles d'avant-hier animées à l'IRFM par les docteurs Idriss Gergoua et Smaïl Abdezine Mohamed, où le cours de l'histoire est remonté jusqu'aux balbutiements de l'art. La prospérité et le rayonnement de la Grèce antique sont invoqués, à l'appui de la thèse que l'art contribue de façon notable à la grandeur et à la civilisation des nations. Les peintures rupestres du Tassili témoignent également, à leur manière, d'une civilisation disparue, mais dont l'influence se retrouve dans la société actuelle. La civilisation européenne, qui est aujourd'hui à son apogée, apporte, par la voie d'Erbert, la preuve qu'il n'y a de modernité que par et dans l'art, selon l'un des conférenciers. Ainsi, l'apport de la musique, de la peinture et de la sculpture est indéniable dans l'éducation et la formation dans la société et par voie de conséquence, l'émergence d'une élite de cette société. L'un des deux docteurs s'est permis de séparer (est-ce judicieux ?) l'aspect artistique de l'aspect économique dans le processus de développement d'une société. Un autre s'en est pris aux manuels scolaires qui laissent peu de place aux arts. Le reproche que nous pouvons dresser modestement à ces deux docteurs est d'avoir négligé de parler de la renaissance et son influence qui se fait encore sentir à travers toute la planète ; d'avoir occulté le siècle ; passé sous silence la révolution de 1789 qui a libéré les initiatives individuelles ; de n'avoir pas évoqué la révolution industrielle, qui a fourni aux arts de nouveaux thèmes pour leurs renouvellements, sans parler des différents courants qui se sont succédé à travers les siècles. Enfin, clef de route : l'architecture et la révolution urbaine qui sont à l'origine de nos villes modernes, pas un mot à ce sujet.