L'hôtel Hilton a rarement vécu des moments aussi animés que ceux créés par l'annonce, hier matin, de la candidature de Ali Benflis pour l'élection présidentielle. Loin de la rigidité de ce genre d'événements, la cérémonie organisée par le staff électoral de l'ancien Premier ministre s'est voulue moderniste, décalée et surtout solennelle. Aucun détail n'a été laissé au hasard. A commencer par les convocations des journalistes. L'équipe de campagne, très étoffée et en service depuis plusieurs mois, a fait exprès de retarder l'échéance de l'annonce publique de la candidature de leur champion dans le but de garder intact le suspense. Même lorsque des informations ont été «fuitées», les journalistes sont souvent restés sur leur faim. La preuve ? Ils sont plus de 250 hommes et femmes des médias à couvrir l'événement, lequel a pris une dimension mondiale avec la venue de plusieurs journalistes de la presse étrangère. Pour ne pas abattre toutes ses cartes, Ali Benflis a tenu à limiter les invitations à ses proches collaborateurs et aux médias ; point de trace de personnalités célèbres. Il n'y a, dans une salle pourtant pleine comme un œuf, ni hommes politiques éminents ni célébrités artistiques. L'équipe du candidat a voulu passer à l'essentiel : le discours. Apparemment échaudé par les bourdes commises en 2004, Ali Benflis a évité de personnaliser les problèmes que vit le pays. Mieux, il a estimé que «juger un homme est une œuvre subjective», preuve que le candidat a voulu se montrer dans les habits d'un homme d'Etat qui n'est pas guidé par des pulsions personnelles. «Mon seul ennemi est la pauvreté», a-t-il précisé. Une éclipse de 10 ans A défaut d'être le messie d'une Algérie qui aspire «au changement», Ali Benflis veut jouer sur sa crédibilité personnelle. Difficile en effet de faire des reproches à un homme qui a connu des hauts et des bas dans sa carrière politique. Avocat de formation, Ali Benflis, 70 ans, a souvent été dans les bonnes grâces du système. Député durant la période du parti unique, l'ancien secrétaire général du FLN a créé, en compagnie de plusieurs militants, la Ligue algérienne des droits de l'homme en 1987, avant de devenir, quelques années plus tard, ministre des Droits de l'homme. Après son départ du gouvernement en 1991, Ali Benflis est «rentré chez lui», à Batna, pour exercer sa profession d'avocat. Il reprend l'activité politique en 1996, en revenant au comité central du FLN, conduit alors par Boualem Benhamouda. Mais le grand retour de Benflis en politique a été sa désignation en 1998 comme directeur de campagne du candidat Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier devient Président en avril de l'année suivante et nomme son bras droit comme directeur de cabinet puis Premier ministre jusqu'à mai 2003. Les ambitions présidentielles de Benflis avaient mis fin à l'idylle née entre les deux hommes 5 ans auparavant. Battu à l'élection présidentielle de 2004, Ali Benflis s'est retiré de la vie publique. «Je ne me suis pas exprimé, mais je ne suis pas pour autant rentré chez moi», aurait-il assuré à un journaliste qui l'a rencontré récemment. Qu'a-t-il fait durant cette période ? Ses partisans assurent que s'il évitait les médias, Ali Benflis activait en coulisses. La preuve ? Il aurait sillonné tout le pays à la recherche de soutiens. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui constituent aujourd'hui l'essentiel de sa direction de campagne. Sera-t-elle la dernière ? Benflis y croit. Mais pour devenir président de la République, il faut attendre le 18 avril.