La découverte d'une importante inscription latine grâce à un citoyen, Farid Debouze, près de la sablière, pose le problème de la protection de notre patrimoine. Grâce à la sensibilisation de ce citoyen, cette inscription, qui est en cours d'étude et de publication, a pu être préservée, apporte un éclairage sur l'histoire de la région. Le sol algérien n'a pas dévoilé toutes ses richesses archéologiques et historiques, particulièrement sur cette voie de passage très ancienne. Des milliers d'Algériens et de Chinois vont s'affairer dans la vallée de la Soummam pour construire le tronçon d'autoroute la «pénétrante» qui désenclavera Béjaïa, et la reliera dans des conditions acceptables au reste du réseau routier de notre pays. Cette autoroute cheminera le long de la vallée de la Soummam, soit sur le côté gauche, soit sur le côté droit, selon les accidents topographiques ou les contraintes urbaines, en bordure des zones inondables. La vallée de la Soummam a de tout temps été empruntée par les hommes et elle est considérée comme le cordon ombilical qui relie la prestigieuse capitale des Hammadides à son arrière-pays. Déjà dans l'antiquité, on fit appel à un certain Nonius Datus qui prit naturellement cette voie pour venir construire l'aqueduc de Toudja. Les armées fatimides, hammadides, almohades, hafsides, turques, françaises prirent ce chemin, celui du fleuve pour mater les populations locales. A ce titre, une grande partie de notre histoire est enfouie dans ces territoires qui jouxtent le fleuve que l'homme a de tout temps aménagé pour s'y installer. Mastie ? Cette très importante inscription, qui vient d'être découverte non loin du confluent de l'oued Bou Sellam et l'oued Sahel, se situe exactement sur l'axe de la future autoroute. Elle nous livre le nom d'un comte romano-berbère, Mastie ? (la syllabe finale n'est pas encore établie), type de nom bien connu dans l'onomastique berbère puisque l'on connaît un chef aurésien qui portait presque le même nom. L'épigraphiste J.-P. Laporte a bien voulu vous en donner, sur photographies, une traduction provisoire : En l'année de la province 367, au nom du Christ, Flavius Mastien, de rang clarissime, comte, a achevé heureusement ce domaine (appelé) Tête de dragon. L'année 367 de la province romaine de Maurétanie césarienne (Algérie centrale et occidentale) correspond à 406 après J.-C., mais une ligature (deux lettres liées) pourrait amener à la lire autrement. Le nom du comte comporte deux parties, Flavius, nom latin, et Mastien, beau nom berbère du même type que Masties ou Mastinas, mais pas identique. L'un des plus hauts dirigeants romains de la province était un Berbère romanisé. L'étendue de sa fonction devra être discutée. L'appellation Tête de dragon pourrait s'appliquer au piton d'Akbou, au pied duquel cette inscription a été découverte. Vigilance Cette découverte, très importante sur le plan historique, prélude à la découverte d'autres inscriptions et d'autres vestiges, qui enrichiront notre histoire en apportant de nouveaux éclairages sur la vie des populations locales sous les différentes civilisations si nous sommes assez vigilants pour empêcher les détériorations ou carrément les destructions de pierres de taille portant la précieuse indication historique. La plupart des sites archéologiques de la vallée seront touchés par le tracé autoroutier depuis Béjaïa jusqu'à Bouira. Ils seront soit démolis, soit remblayés à jamais, effaçant par la même des pans entiers de notre histoire. D'où la nécessité d'une surveillance de tous les instants pour ne pas répéter les erreurs faites lors du tracé de l'autoroute Est-Ouest où des sites archéologiques ont été rasés et des dolmens détruits dans la région de Constantine. Prospection Cela vaudrait un minimum de surveillance archéologique, voire des fouilles, notamment l'extraordinaire site de M'lakou, praedium/praesidium de Firmus, l'un des plus grands résistants autochtones contre Rome (370-375). L'actuelle découverte fortuite nous montre que des trésors appartenant à notre patrimoine risquent de disparaître à jamais sur l'ensemble de la vallée englobant des dizaines de sites si une sérieuse prise en charge n'est pas faite pour suivre pas à pas le tracé. Ces vestiges de toutes époques (préhistorique, antique, médiévale…) risquent d'être effacés. Aussi, il est nécessaire de faire précéder les chantiers autoroutiers par des prospections sur le tracé de l'autoroute, voire des fouilles préventives, et faire suivre les travaux par des archéologues familiers des terrains et des sites. Ces archéologues doivent dépendre de circonscriptions archéologiques, dont le travail est le suivi sur le terrain et non pas être dans une structure administrative (style direction de la culture), loin des réalités du terrain. En conclusion, nous avons affaire à une très belle inscription qui ne manquera pas de susciter de nombreuses et instructives discussions scientifiques et apporter de nouvelles visions sur les structures locales pendant la période romaine.