Un seul SDF, un seul mendiant, c'est beaucoup. Or, les uns et les autres sont nombreux dans un pays si riche. Et puis il y a le business de la mendicité… Ils sont des dizaines de SDF, et le nombre donne l'impression d'augmenter de jour en jour. Ces SDF s'abritent sous des cartons un peu partout, à la gare ferroviaire, le long du boulevard Belouizdad (ex-Saint-Jean), sous les arcades de l'avenue Abane Ramdane et bien d'autres quartiers de la ville de Constantine. Le calvaire de ces pauvres personnes qui peuplent les rues de la ville, commence à partir de 19h, heure à laquelle nous les trouvons emmitouflées dans des couvertures sales et usées, tentant de se prémunir contre le froid glacial du soir. En 2013, l'on a compté 45 SDF, dont 23 femmes et 5 enfants, et 123 mendiants, dont 36 femmes et 11 enfants, dans la ville de Constantine, sans compter les autres communes de la wilaya, a-t-on appris auprès du chargé de la communication de la DAS Constantine, Lamine Rhaylia. Ces personnes ont des histoires différentes, ce sont des enfants orphelins, des vieux, des handicapés, des femmes seules, divorcées, délaissées par leurs proches, et aussi des mères célibataires. Une de ces femmes nous dira : «La société algérienne ne pardonne pas, c'est très dur de vivre dans la rue, plus particulièrement pour une femme, mais je préfère la rue à Diar Errahma, on y est méprisé et maltraité par les employés, nous souffrons toujours de ce regard qui nous culpabilise.» Elle a ajouté, les larmes aux yeux: «Heureusement qu'il existe encore de bonnes gens qui nous amènent des couvertures pour nous protéger de ce froid glacial et qui nous donnent à manger.» Par ailleurs, outre la misère sociale, affective et morale, qu'elles vivent chaque jour, des jeunes drogués n'hésitent pas à les approcher et les insulter. Le chargé de communication de la DAS a souligné que certains SDF ont été évacués aux établissements de Diar Errahma, mais ils ont tout fait pour les quitter car ils ne veulent pas obéir aux règlements de ces établissements comme par exemple celui de ne pas rentrer tard le soir. «Il y a des éducateurs, des psychologues et des assistants professionnels au niveau des foyers pour enfants assistés (FEA), du centre spécialisé de rééducation (CSR) et au niveau de Dar Errahma ; ces personnes s'occupent des gens en question d'une manière très délicate, ils ne les enferment pas mais ils se comportent selon le règlement pour les protéger», a-t-il déclaré. Notre interlocuteur ajoute que 80 % des mendiants viennent d'autres wilayas et même du sud, dont 75 % sont des faux mendiants, et la loi punit ces gens-là. La mendicité est devenue un phénomène courant et un business qui répond à un organigramme hiérarchique. Des mendiants ou des agresseurs ? Et pourquoi n'applique-t-on pas la loi qui interdit d'exposer un enfant au danger ? «La DAS a pris l'initiative tant de fois et a déposé plainte contre ces femmes qui utilisent des enfants pour apitoyer les passants, mais les services de cette direction ont constaté qu'elles le font en cachette de leurs maris et elles ont d'autres enfants à la maison ; d'autre part, nous faisons appel aussi à la direction de la santé qui est absente du terrain», a-t-il insisté. «Tout simplement, ils ont fait de la mendicité un travail, plus particulièrement certaines femmes, âgées entre trente et quarante ans, qui n'ont pas trouvé mieux que de s'exposer ainsi avec un ou plusieurs bébés. Embarquées à plusieurs reprises par la police, elles reviennent toujours avec des nouveaux-nés dans les bras », a déclaré l'un des citoyens à la rue du 19 juin (ex-rue de France). «D'où amènent-elles tous ces bébés ?» s'interroge-t-il. Jusqu'à preuve du contraire, l'on sait que le mendiant est celui qui demande de l'aumône en implorant les passants, mais à Constantine, l'on assiste à un phénomène nouveau, sinon inquiétant, du moins étrange. Certains s'adonnent carrément à l'agression, des fillettes, dont l'âge ne dépasse pas les 14 ans s'accrochent aux bras des passants et embrassent leurs mains pour que ces derniers leurs donnent des sous; et si l'on ne répond pas à leur demande, l'on est sujet aux insultes et parfois à l'agression. Elles choisissent généralement des dames et des jeunes filles. «Chaque fois quand je les perçois, je change de direction ou de chemin, elles me connaissent car j'habite aux environs et si je ne leur donne pas de l'argent, soit elles me crachent en plein visage, soit elles me piquent avec des épingles sales», a déclaré l'une des passantes. Et d'ajouter : «Mais l'on doit se poser cette question : pourquoi laisse-t-on ces gens qu'on appelle Béni Adès sévir ainsi sans que les services concernés bougent le petit doigt ?» La balle est dans leur camp.