Les propos tenus par Amar Saadani à propos du général-major Mohamed Mediène, dit Toufik, ne sont pas anodins. Jamais depuis l'indépendance du pays, en 1962, un chef militaire de cette envergure n'a été attaqué de manière aussi véhémente sur la place publique par le chef d'un parti du pouvoir. Alors que les attaques de Saadani ont concerné, jusque-là, l'institution que dirige depuis près de 23 ans le général Toufik, elles sont désormais concentrées sur la personne de celui qui symbolise, depuis deux décennies, le pouvoir occulte. Pour mieux vendre sa pilule, le secrétaire général du FLN fait miroiter une revendication qui fait consensus au sein de la classe politique : la construction d'un Etat civil. Mieux, pour ne pas donner l'impression de régler des comptes, Saadani cite des exemples de partis, à l'image du FFS ou du parti de Djaballah, qui ont été victimes des pratiques de ce que la classe politique désigne sous le vocable de «la police politique». Produit lui-même du système politique, promu par les grâces des faiseurs de ce même système, Amar Saadani est pourtant mal placé pour revendiquer un Etat civil, un rêve exprimé par des générations d'Algériens depuis au moins la tenue du Congrès de la Soummam en 1956. Le secrétaire général du FLN, qui prône probablement la bonne cause malgré lui, est l'expression d'une lutte que se livrent depuis plusieurs années deux clans du système. Alors que cette lutte est confinée jusque-là dans les salons feutrés des hauteurs d'Alger, elle fait partie désormais du débat public. Une preuve que la guerre de tranchées que se livrent les proches de Abdelaziz Bouteflika aux opposants à un quatrième mandat n'est ni une vue de l'esprit ni une invention de la presse. La violence de cette attaque de Saadani – qui n'est en réalité qu'un porte-voix – est un signe que la lutte autour du quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika a atteint des proportions dangereuses. La preuve est donnée par ces vocables qui renvoient à la violence. «Si un mal m'arrive, ce sera l'œuvre de Toufik», avertit-il. Pis, sur un plan plus général, Saadani menace même, en des termes à peine voilés, que le pays encourt un risque de dérapage, si le DRS s'oppose à un quatrième mandat pour Abdelaziz Bouteflika. «Il y a des tentatives visant à déstabiliser le pays surtout dans le Sud et sur la bande frontalière. Des mains étrangères et algériennes sont impliquées. Une raison pour laquelle nous disons que le président Bouteflika représente une garantie pour la stabilité et la sécurité du pays», rappelle-t-il. Les jours à venir apporteront certainement la réponse sur l'identité du vainqueur et celui qui perdra cette bataille. Mais entre les deux clans, l'Algérie reste coincée. Comme à chacune des batailles que se livrent les clans du système, les conséquences risquent d'être désastreuses pour le pays.