Une délégation du Conseil de sécurité s'est rendue, dimanche, au Mali pour exhorter les groupes rebelles et le gouvernement malien à reprendre, au plus vite, les négociations de paix. En dépit des efforts de nombreux médiateurs, parmi lesquels fait partie l'Algérie, les nombreuses tentatives de relance des négociations de paix entre les groupes armés du nord du Mali et le gouvernement du président Ibrahim Boubacar Keita ont jusque-là toutes échoué. Pas loin que le mois dernier, des responsables du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) ont refusé de prendre part à des discussions exploratoires en Algérie, après avoir conclu, avancent-ils officiellement, que leur demande pour une plus «grande autonomie» ne serait pas exaucée. Ils se seraient opposés, entre autres aussi, à la présence à la table des discussions de certains groupes du Nord du Mali. L'Etat malien — qui avait lui-même sollicité les autorités algériennes pour qu'elles jouent un rôle de facilitateur dans les négociations inclusives intermaliennes — se montre plutôt favorable à une décentralisation. D'où, explique-t-on, le blocage actuel. C'est donc avec l'idée de casser le statu quo ambiant qu'une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies, composée de 15 membres, a séjourné, dimanche et lundi, au Mali. Lors d'une conférence de presse, coanimée lundi à Bamako pour faire le bilan de leur visite, Gérard Araud et Bandé Mangaral, respectivement ambassadeurs de France et du Tchad auprès des Nations unies, ont réitéré ainsi le souhait du Conseil de sécurité de voir s'ouvrir, dans les brefs délais, des pourparlers inclusifs entre le gouvernement et les groupes armés. L'insistance de l'ONU sur la question du dialogue s'explique, ont soutenu les conférenciers, par son souci de doter les «acquis sécuritaires» engrangés à la suite de l'opération Serval contre Al Qaîda au Magreb islamique (Aqmi) et ses satellites locaux d'un «cadre politique» susceptible de stabiliser durablement le pays. Selon les émissaires de l'ONU, il faut rester vigilant surtout dans un contexte de défi asymétrique. «L'absence d'un cadre politique inclusif risque d'être exploitée par des fauteurs de troubles», a soutenu Bandé Mangaral, avant d'ajouter qu'il encourage le gouvernement à continuer à déployer l'administration, particulièrement au nord, afin de rétablir les services sociaux de base. De son côté, le Français Gérard Araud, chef de la délégation du Conseil, a carrément parlé de «risques de radicalisation au sein des groupes». Optimisme Onusien Malgré le blocage actuel, l'ambassadeur Gérard Araud s'est néanmoins montré optimiste sur l'avenir des négociations de paix intermaliennes, dans la mesure où, a-t-il soutenu, il ressort des rencontres entre la délégation du Conseil de sécurité de l'ONU et des protagonistes de la crise une volonté d'aller de l'avant et de négocier afin de résoudre pacifiquement la question du Nord. L'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Samantha Power, a rapporté, quant à elle, que le président Keita a assuré la délégation onusienne qu'il travaillait sans relâche à la promotion de la réconciliation nationale. Cet optimisme s'appuie sur le fait aussi que le gouvernement malien a promis de rendre publique «prochainement» une «feuille de route» pour la reprise du dialogue entre Bamako et les groupes armés du Nord. Même son de cloche du côté du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et du Mouvement arabe de l'Azawad (MAA), qui ont tous prôné la «nécessité de la reprise rapide du dialogue». S'agissant des conditions «maximalistes», en apparence inconciliables, posées par les uns et les autres pour reprendre les discussions, Gérard Araud a estimé, là aussi, que la situation n'était pas insurmontable puisque «tous se placent dans le cadre de la souveraineté du Mali et tous veulent négocier». «Les négociations doivent se passer sans pré conditions et tout doit se passer dans le cadre des accords de Ouagadougou», a-t-il ajouté. Le choix des touareg des Ifoghas Pour que le dialogue s'engage véritablement, il est demandé aussi au HCUA, au MNLA et au MAA d'accorder leurs violons, car, contrairement aux apparences, l'entente entre ces groupes n'est pas encore un fait acquis. Leurs leaders respectifs mènent d'ailleurs actuellement des rencontres discrètes afin de sortir avec une plateforme de revendications commune. Mais il subsisterait encore entre eux des divergences. A ce propos, des informations en provenance du nord du Mali soutiennent que ces divergences — dont certaines sont liées à la gestion de la crise par le MNLA — ont conduit une grande partie des hommes en armes, qui étaient jusque-là sous les ordres du mouvement dirigé par Bilal Ag Acherif (le MNLA, ndlr), à se mettre sous la coupe du HCUA qui semble bénéficier actuellement le plus de la confiance de la population targuie. Lors d'une réunion qui s'est déroulée le 11 janvier dernier dans le nord du Mali, les tribus touareg les plus influentes de l'Adrar des Ifoghas ont d'ailleurs choisi comme premier responsable politique Alghabass Ag Intalla, un ancien adversaire politique du chef du MNLA. Techniquement, ce changement d'alliance aura pour effet d'affaiblir considérablement le MNLA autant sur le terrain que lors des prochaines discussions avec Bamako. Ajouté à cela, les membres du HCUA ont mal apprécié la tentative du MNLA d'éjecter les autorités algériennes du dossier malien pour impliquer, in fine, le Maroc. Cette «option» est dénoncée d'autant que Rabat est un acteur extrarégional qui entretient actuellement des relations tendues avec l'Algérie. Bref, il s'agit d'un mauvais signal qui vient d'être adressé en direction d'Alger. Or, il se trouve que le souhait du HCUA est de voir justement l'Algérie — qui partage près de 1400 km de frontière avec le Mali et où vivent plusieurs milliers de Touareg — «jouer un rôle important dans le règlement de la crise dans le nord du Mali».