Journaliste du quotidien francophone algérien La Tribune, Lyes Menacer publie son premier roman aux éditions El Maârifa. L'opus a pour titre Madaure, du nom de cette cité antique (en latin Madauros ou Madaura) d'où vient le nom de M'daourouch, une ville antique de l'est du pays qui a donné au monde le premier romancier connu de l'histoire (Apulée). Polyphonique, le roman met en scène une série de personnages liés sans le savoir par un douloureux événement. Autour de quatre femmes hantées par la disparition de leurs maris, gravitent amis proches qui, eux aussi, apportent leur lot de souffrances.D'abord Damia, fille d'un ancien ambassadeur renvoyé comme un vulgaire malfrat. Mère de deux enfants, dont le mari a disparu, elle vend ses bijoux de famille et trime comme coiffeuse pour rembourser ses dettes. Elle refait sa vie avec Malek, un administrateur escroc, mais obtient le divorce non sans peine. Ensuite Nadjet, usée par la solitude après la disparition, elle aussi, de son époux, quelques semaines avant la naissance de son fils. Et puis Zohra, mère de trois enfants, dont le mari, syndicaliste au port d'Alger, a quitté la maison un soir d'hiver. Un mari qui a été déjà kidnappé et torturé par les services secrets du temps du parti unique. Elle travaille dans une agence, propriété de Mounkar. Zohra a eu le loisir de côtoyer la société d'en haut, véritable nid de vipères, accoutumée aux ripailles. Et enfin Dassine, née en France de parents immigrés, de retour en Algérie pour enterrer son époux mort dans une embuscade. L'occasion pour elle de plonger dans l'histoire plurielle de ce pays méconnu. Comme fil conducteur, ces femmes ont toutes connu directement ou indirectement ce triste Malek, dont la véritable identité échappe aux protagonistes. Ce personnage obscur, aux multiples identités, se révèle impliqué dans un gros scandale financier. Jugé pour tous les maux au cours d'un retentissant et parodique procès, il s'évade de la prison et quitte le pays. Ceux qui ont mangé dans sa main, parmi les plus puissants, s'en sortiront indemnes. Ce roman court, à la tonalité mélancolique, y décrit un univers qui bascule dans la violence terroriste des années 1990, grignoté par l'appétit de puissance, l'avarice, la luxure et la corruption. Par cette plongée dans les vestiges d'un passé révolu, valse des désarrois, l'auteur rouvrira des plaies, réveillera des nostalgies. Parabole également d'une Algérie qui cherche encore son identité, Madaure rend un hommage appuyé aux femmes dans un pays où il n'est pas bon d'être une femme. Pour mémoire, Lyes Menacer a déjà publié fin 2010 en France une nouvelle sous le titre A l' origine, Dieu était une femme dans la revue Algérie Littérature/Action, publication littéraire éditée par Marsa Edition.