Les hommes de loi qualifient de «gravissimes» les attaques lancées par Amar Saadani contre le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) qui, selon lui, a failli dans la protection et la sécurité du président Boudiaf, de Abdelhak Benhamouda, des moines de Tibhirine et des bases pétrolières dans le Sud ainsi que les accusations visant l'appareil judiciaire. Certains avocats contactés ont insisté pour rester sous le couvert de l'anonymat ; ils refusent d'être mêlés «aux querelles» ayant pour principal objectif un règlement de comptes au sommet. Néanmoins, ces hommes de loi pensent qu'il est du rôle et des prérogatives de la justice de s'autosaisir et de demander à Saadani d'apporter les preuves de ce qu'il avance. A la question de savoir si Saadani est passible de poursuites judiciaires, maître Khaled Bourayou qualifie les accusations qu'il a formulées de «très graves» et, de ce fait, elles doivent être étayées par des preuves tangibles. «Saadani doit être interpellé par la justice, le procureur général doit être saisi et il doit convoquer le secrétaire général du FLN pour qu'il présente les documents prouvant ses dires. Les accusations de Saadani touchent à la sécurité des personnes et aux assassinats», note Me Bourayou. Pis, fait remarquer l'avocat, Saadani peut être poursuivi pour non-dénonciation de ces crimes : «Si le SG du FLN a les preuves que le DRS a failli, pourquoi il a caché ses documents ? Pourquoi ces déclarations maintenant ? Quelle est la visée et quel est l'objectif recherchés par la tenue de tels propos à la veille d'une échéance électorale ?» s'interroge Me Bourayou, qui pense que l'Algérie ne mérite pas ce spectacle odieux. Pour cet avocat, il s'agit d'un magma de règlement de comptes et cet emballement d'accusations et de mensonges répond au souci d'un quatrième mandat pour le Président sortant. Mais Me Bourayou, à l'instar d'autres avocats, ne se fait pas d'illusion : la justice n'a jamais été indépendante et encore moins aujourd'hui, elle est instrumentalisée par le pouvoir : «La justice est à la solde du pouvoir. Elle a été tellement manipulée qu'elle n'a plus de crédit.» Beaucoup d'avocats partagent l'avis de Me Bourayou ; pour eux, Saadani a remis en cause le fondement et le travail de la justice. «Le secrétaire général du FLN a accusé la justice d'avoir monté de toutes pièces un dossier contre Chakib Khelil, ceci est très grave. Saadani doit donc répondre devant cette juridiction de ses actes», explique un avocat. Seulement, les hommes de loi sont persuadés que la machine judiciaire ne sévira pas contre Saadani : «Déposer plainte contre un proche du système et le traîner devant les tribunaux parce qu'il a reçu l'ordre de cibler certaines personnes et de dédommager d'autres relève presque de l'impossible. C'est un rêve !» L'un d'entre eux invite les hautes autorités du pays à appliquer les données révélées hier, dans les colonnes dans notre journal, par l'ancien ministre de la Justice, M. Charfi. Pour ce dernier, les propos du secrétaire général du FLN sont susceptibles de tomber sous la qualification de l'article 75 du code pénal en raison des fonctions influentes de Saadani à la tête du FLN. L'article en question stipule : «Est puni de réclusion à temps, de cinq à dix ans, quiconque en temps de paix a participé en connaissance de cause à une entreprise de démoralisation de l'armée, ayant pour objet de nuire à la défense nationale.» Les avocats disent ne pas comprendre ce qui se passe. C'est le flou total. «Pourquoi ces révélations maintenant», se demande un magistrat, qui évoque un problème personnel difficile à juger. Un autre affirme que les attaques de Saadani n'ont pas de qualification juridique : «Ce n'est pas sérieux ce qui se passe. Il s'agit ni plus ni moins de règlement de comptes et les concernés ne devraient pas impliquer les Algériens dans leur sale besogne.»