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«Je rêve d'un sublime jardin de sculptures»
Abdeslam Graïne alias Olivier. Sculpteur
Publié dans El Watan le 22 - 02 - 2014

Rencontre avec un artiste exilé qui fait de la transgression une vertu créative.
-Quels faits marquants retenez-vous de vos années à l'école des Beaux-arts d'Alger?
Deux événements. Primo, le mouvement estudiantin que nous avions fondé de 1993 à 1995 et à travers lequel nous avions élaboré des projets de refonte totale du système d'enseignement des Beaux-arts. Secundo, l'assassinat du directeur de l'école des Beaux-arts, Ahmed Asselah et de son fils, Rabah. Cet événement tragique a porté un coup fatal à notre mouvement. Notre activisme, ainsi que notre condamnation virulente de ce crime nous ont valu une fetwa qui appelait à notre assassinat. Celle-ci était affichée dans la mosquée de la cité Mahieddine où nous résidions. C'est durant la semaine de ce double assassinat que devait avoir lieu le lancement de notre «école parallèle». C'était la stratégie que nous avions adoptée afin de proposer une alternative à l'enseignement existant que nous décriions. Le premier cours alternatif n'a jamais eu lieu. Et cette école continue inexorablement sa descente aux enfers.
-Quelles sont vos références en matière d'art et de sculpture ?
Mon professeur, El Khoudir Boulaïne, un maître à l'ancienne qui véhicule les idées d'une école séculaire, demeure mon principal référent. Car son enseignement n'établit pas de rupture névrotique avec l'Art classique. Tous les artistes qui se rattachent à cette pensée me nourrissent davantage. Je pense notamment au peintre russe, llya Répine (1844-1930), dont l'œuvre est un manifeste qui revendique l'immortalité des acquis des artistes de la Renaissance.
-Vous semblez très imprégné par la Renaissance italienne. Quelles en sont vos références les plus prégnantes ?
Donatello a redonné vie à la sculpture en la libérant du Moyen-âge qui l'avait réduite à un objet de culte sans intérêt. Je séjourne régulièrement à Venise et à Florence où, à la façon des artistes du XVIIIe siècle, j'étudie les Donatello, Michel-Ange, Cellini, le Tintoret et bien d'autres.
-Les thèmes de vos réalisations sculpturales ont aussi un lien avec l'Algérie...
On dit souvent que l'Algérie est un pays qui se cherche. En ce qui me concerne, j'ai la certitude que c'est un pays qui se perd. De sa perdition et de son tourment, j'ai cherché la substance, la profondeur et la douleur que j'ai sublimées dans le cycle «Incorpore» («un esprit libre dans un corps libre»). La catastrophe des années 1990, les bombes, les morts, les têtes coupées, le sang qui a coulé, les larmes versées, les peurs accumulées, les corps mutilés, les disparus, les déracinés, les traumatismes, les despotismes, la misère, les trahisons, mais également la résistance, la défiance, l'espoir fou, je les ai sublimés dans un affrontement violent et ouvert entre Tanatos et Eros. Carmen, l'opéra de Bizet, m'a fourni la trame esthétique car, dans cet opéra tragique aux accents andalous, on en sort revigoré et heureux. On y retrouve la dimension baroque et tous les éléments de la tragédie algérienne. Le rôle de l'Art est également de construire du bonheur sur nos plaies et de vivre dans la joie en dépit des meurtrissures. Le cycle «Incorpore» s'adresse aux publics de multiples cultures.
-Il émane de vos sculptures une idée de défi, un air de liberté qui envahit l'espace...
Par ces formes, je recherche un dialogue avec l'espace et les éléments. Lorsque je crée une forme, je mets l'Homme face au feu, dans l'eau, sur la terre et dans l'air.
-Vous avez réalisé une série de sculptures représentant un homme nu et une femme voilée. Votre geste créateur ne revêt-il pas une dimension transgressive ?
La transgression est l'œuvre de ceux qui nous imposent des dieux, des prophètes et nous soumettent à toutes sortes de vérités absolues. Ma transgression s'en libère pour devenir vertu. Etant donné qu'il n'est pas défendu de penser, je ne peux m'empêcher d'imaginer des images que je convertis en formes et ce, quels que soient les risques encourus. Dans cette œuvre, la femme voilée est plus suggestive que l'homme nu. La sensualité de ses formes corporelles se révèle à nous lorsque le vent plaque le voile contre son corps. C'est excitant comme un strip-tease. Mais il ne faut pas l'écrire car les islamistes interdiront le vent. J'ai esquissé cette œuvre à Paris en 1999. Un collectionneur américain l'a récemment acquise, car de son point de vue le voile intégral et la nudité sont soumis à la même interdiction. Ils sont bannis de l'espace public, français notamment.
-Comment qualifieriez-vous la culture sculpturale en Algérie ?
On inaugure des façades sans profondeur, pompeusement appelées Musée d'Art Moderne, alors qu'il n'existe aucune école des Beaux-arts stricto sensu en Algérie ! D'où viendrait cette culture ? Par contre, je constate une culture anti-sculpturale. Le monument aux Martyrs d'Alger composé de trois beaux éléments est surnommé «Houbel». Ce nom n'est pas innocent. Il obéit à un projet politique en expansion : l'islamisme. Dans certaines régions, il est impensable d'ériger une sculpture même abstraite. La sculpture pose la question de l'architecture, de l'urbanisme, de la cité, donc du citoyen, et renvoie à la problématique du projet de société. Dans les années 1990, nous avions œuvré pour la création d'une académie des Beaux-arts à Alger.
Notre combat a connu un frein avec l'assassinat de notre directeur qui d'ailleurs s'opposait à l'idée de notre projet, ainsi que la quasi-totalité des enseignants. Ce qui dérangeait entre autres, c'était le recours au «nu» que ce projet artistique impliquait. Une école des Beaux-arts sans «nu», c'est comme une mosquée. Nous possédons un sublime et riche héritage sculptural antique (amazigho-romain) et colonial qui pourrait servir de socle pour créer une grande école à l´échelle de l'Afrique. Mais l'Algérie, qui continue à ne se définir que par la guerre d'indépendance, s'interdit de voir grand et reste bloquée à l'image de ce que le colonialisme en a fait, c'est-à-dire une province complexée. En adoptant la fontaine «Aïn Fouara», érigée par la France coloniale, devenue par le génie populaire une icône staïfia, les Sétifien-(ne-s) donnent une leçon magistrale à tous ces tuteurs artistes et autres théoriciens qui veulent verticalement définir l'Art. C'est absurde, car il faut tout expérimenter.
-Vous êtes l'auteur de stèles en hommage à des personnalités algériennes. Quelles sont les motivations de votre démarche ?
A l'évocation de ma Kabylie natale, des visages et des paysages imprégnés de douceur m'envahissent et je pleure, car je ressens leurs douleurs. Je retransmets ces douleurs à travers des représentations de personnages adorés pour leurs talents artistiques et leurs engagements pour la culture amazighe. Dans une optique de renaissance, je rêve d'un sublime jardin de sculptures où seront rassemblés les personnages et les mythes qui forgent cette culture interdite. Pour mieux en parler, je projette de mettre en scène mes sculptures à travers une œuvre scénique.
L'idée est née lorsque j'ai présenté le buste en bronze de mon ami, feu Abderrahmane Bouguermouh, au théâtre de Tizi Ouzou lors du dernier festival du film amazigh : dans le noir, la voix granite d'Ahmed Benaïssa et celle chantante de Djamel Allam déchiraient le silence par la lecture d'une oraison funèbre que j'avais écrit. Progressivement, le buste en bronze apparaissait dans un clair-obscur caravagesque (Ndlr : de Caravage, peintre italien, 1571-1610). Les personnes présentes dans la salle avaient l'impression d'avoir vu un personnage vivant plutôt qu'un buste sur scène. Saddek Bedjaoui est aussi un personnage que j'envisage de sculpter pour ma ville natale, Béjaïa. Je suis sur le point de concrétiser un rêve : la finalisation d'une statue en bronze de l'illustre Mouloud Mammeri pour la commune d'Ath Yenni.


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