Décès du sénateur Abdallah Mesk: Goudjil présente ses condoléances    Maroc: manifestations dans plusieurs villes pour demander l'arrêt de la normalisation avec l'entité sioniste    France: des députés dénoncent la présence à l'Assemblée d'une carte géographique du Maroc incluant le Sahara occidental    Décès de l'artiste Hamza Feghouli: Goudjil présente ses condoléances    Aïd El-Fitr: la Gendarmerie nationale met en place un dispositif sécuritaire spécial    Hidaoui préside une réunion d'évaluation de la mise en œuvre du programme du secteur de la jeunesse    Le ministère des Transports a mis en place une feuille de route devant renforcer la compétitivité entre les ports    Saihi reçoit l'ambassadeur du Zimbabwe en Algérie    Achat de vêtements de l'Aïd en ligne : confort et économies à l'ère numérique    Instructions strictes aux PDG des ports à l'effet d'accélérer le traitement des navires    Deux criminels qui tentaient d'exfiltrer un baron de la drogue éliminés à Tlemcen    Concours Taj El Coran : distinction des lauréats à la clôture de la 14e édition    Ghaza : le bilan de l'agression génocidaire sioniste s'alourdit à 50.277 martyrs et 114.095 blessés    Championnat d'Afrique de football scolaire 2025 : réunion de coordination FAF-DTN-FASS à Alger    Développer des projets d'infrastructures pour un transport efficace du gaz    « Entre 5.000 et 10.000 combattants algériens ont été tués par armes chimiques »    L'USMH retrouve l'USMA en demi-finale, le MCEB écarte l'ESS    l'Olympique Akbou se sépare de l'entraîneur Denis Lavagne    Le ''macronisme'' ou la fin inéluctable des régimes anachroniques et du mythe néocolonial français (Partie 1)    Les hôpitaux font face à une baisse des stocks médicaux    Le Président sahraoui appelle à la mobilisation pour dénoncer les politiques répressives marocaines visant les prisonniers politiques    Arrestation de six bandes criminelles impliquées dans des affaires de psychotropes et kif traité    Le mouvement associatif s'implique dans la plantation d'arbres    Le wali ordonne un démarrage rapide des projets de logement    Plus de 54.000 commerçants mobilisés à travers le pays pour assurer la permanence    Walid Sadi : «Cette victoire nette est un message aux sceptiques»    Les ensembles de Hammamet 2 et de Kouba lauréats de la 5e édition    Evénement majeur de la Révolution du 1er Novembre 1954    Tizi-Ouzou: Le jeune, Kader Fateh, lauréat du concours Ahcene Mezani, du chant chaabi    Foot : le représentant du département technique régional de la Fifa en visite de travail en Algérie    Le colonel Amirouche, un leader charismatique et un fin stratège    Coupe d'Algérie: l'USM Alger et le MC El Bayadh en demi-finale    «La Présidente de la Tanzanie se félicite des relations excellentes unissant les deux pays»    Journée de sensibilisation dédiée à l'entrepreneuriat féminin    « Préservons les valeurs de tolérance et de fraternité »    Lutte contre le terrorisme        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«On ne change pas le monde par soi-même»
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2014

Régulièrement, les dirigeants, quel que soit le pays, invitent la population à faire preuve de civisme.
A se conduire dans le respect de tous et de la cité. Les citoyens, à leur tour, attendent des dirigeants qu'ils agissent pour le bien du pays et, à l'approche d'une élection, supputent les qualités des candidats. Mais les appels au civisme des uns, comme le choix des électeurs, n'ont généralement aucun effet sur la réalité : les citoyens continuent à se conduire comme bon leur semble — salissent la chaussée ou le siège d'un bus, crachent où ils peuvent, fraudent… — et les dirigeants n'agissent que dans leur intérêt ou celui de leur clan, oubliant, sitôt élus, sur quelles promesses ils l'ont été. Egoïsme, corruption, mauvaise volonté ? Pas seulement, ou pas d'abord, mais ignorance des conditions réelles de tout changement : faire appel à la conscience des individus, à leur souci du bien public, en un mot à leur vertu, qu'ils soient au sommet ou à la base, c'est présupposer qu'ils ont tout pouvoir de penser et d'agir autrement qu'ils ne pensent et n'agissent d'habitude. C'est les imaginer totalement libres et oublier les structures sociales qui déterminent leurs pensées et leurs conduites. C'est ce que développe dans un livre très dense, La société des affects(1), un philosophe, directeur de recherche au CNRS, Frédéric Lordon.
S'appuyant sur d'illustres prédécesseurs, tels que Spinoza et Durkheim, l'auteur nous rappelle d'abord que nous ne sommes pas les créateurs solitaires de nos pensées, que nous pensons en liaison ou en rupture avec d'autres pensées, avec et à partir de ce que d'autres pensent ou ont pensé. Par conséquent, «il n'est aucune de nos pensées que nous puissions dire entièrement nôtre». Si nous le croyons, c'est par méconnaissance, en grande partie inévitable, des innombrables influences que nous subissons. L'orientation de nos pensées comme de nos conduites ne dépend pas de nous : pensées et comportements, dans une société donnée, sont induits par les institutions de cette société. Comme l'ont remarqué Foucault et Bourdieu, «la rigueur intellectuelle des savants ne doit rien à un amour natif et pur de la vérité, mais tout à la surveillance mutuelle des savants par les savants, qui ne louperont pas le déviant et par là incitent chacun à se tenir à carreau avec les règles de l'argumentation scientifique. La vertu scientifique n'est donc en rien une propriété individuelle, mais un effet de champ infusé en chacun des individus». Citoyen de base ou chef d'Etat, chacun pense et agit en fonction du champ social où il vit, de ses structures, de ses contraintes, des orientations qu'il suggère, des comportements qu'il exclut.
C'est ainsi, rappelle Frédéric Lordon, que les appels à la moralisation de la finance ne sont jamais que vœux
pieux : «Comment demander aux individus de la finance de réfréner d'eux-mêmes leurs ardeurs spéculatives quand tout dans leur environnement les incite à s'y livrer sans frein ?... La vertu n'appartient pas aux individus, elle est l'effet social d'un certain agencement des structures et des institutions telles qu'elles configurent des intérêts affectifs au comportement vertueux.» Il ne sert donc à rien de faire appel à la vertu des individus pour qu'ils agissent en citoyens responsables, si aucune contrainte ne les y incite ; mieux : si rien ne leur donne envie d'agir bien, ne les éloigne, en quelque sorte spontanément, à leur insu, de toute conduite égoïste et ne sollicite des affects qui les poussent à agir dans l'intérêt de la collectivité.
Pourquoi se conduire «bien» et ne pas prendre le bus d'assaut, en jouant des coudes et des pieds, si le respect d'autrui et de la politesse vous laisse sur le trottoir ? Pourquoi ne pas tricher à un concours si la sanction d'une habile tricherie est l'obtention d'un poste convoité ? Grossièreté des passagers, malhonnêteté d'un candidat sont des «effets de champ», et c'est le champ lui-même qu'il faut transformer pour que s'éveille le désir d'être honnête ou poli. Il en est de même en politique. «On ne change pas le monde par soi-même» et le candidat à la présidence d'un Etat, si démocrate soit-il, si disposé à agir pour le bien des citoyens, devient vite un dictateur ou se trouve condamné à n'être qu'un homme de paille si rien, dans les institutions et le fonctionnement réel de l'appareil d'Etat, ne l'encourage à se conduire en démocrate. Comment honorer ses promesses électorales et gérer le pays dans l'intérêt de la majorité, lorsqu'on est entouré de
crapules ? Comment, pour sauver son poste, ne pas faire concession sur concession, au besoin changer peu à peu ses convictions ou donner du «temps au temps» pour concrétiser ses promesses, c'est-à-dire ne rien faire ou faire le contraire de ce qu'on a promis ? Les exemples ne manquent pas de ces responsables élus sur un programme généreux et peu à peu amenés, par lâcheté, faiblesse et goût du pouvoir à poursuivre la politique de leurs prédécesseurs. Tant il est vrai qu'on ne fait pas du neuf avec du vieux, une société égalitaire avec des structures patriarcales, un régime démocratique avec des dirigeants cupides et sans morale.
1 ) Editions du seuil, 2013


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.