Gros plan sur le film d'Ali Mouzaoui sur le cinéaste Abderrahmane Bouguermouh. Le festival Regards sur le cinéma algérien continue d'enchanter les cinéphiles de la région de l'Hérault (sud-est de la France). L'édition 2014, la septième, qui s'étale entre janvier et mars, propose une dizaine de films inédits. C'est dans ce cadre que le documentaire d'Ali Mouzaoui a été projeté en avant-première mondiale à Montpellier. Consacré au cinéaste défunt Abderrahmane Bouguermouh, dit Da Dahmane, Mon Frère, mon double, a suscité un engouement certain. Avant la projection, Ali Mouzaoui ne voulait rien dévoiler de son documentaire hormis quelques indications sur la durée du tournage qui a duré plus de deux ans. Il faut rappeler que Da Dahmane a longtemps été malade. Révélateur très incisif, la caméra montre l'évolution de cette maladie incurable qui a raison de lui le 5 février 2013. Le film s'ouvre sur la «montagne de la femme couchée» qui veille sur la maison ancestrale des Bouguermouh. C'est là qu'il vivait comme un ermite auprès de ses aïeux dans le village d'Ighzer Amokrane. Cette solitude choisie permet au cinéaste de dialoguer dans un face-à-face sans concession avec l'œil de la caméra qu'il sait apprivoiser. Ce retour aux sources, Abderrahmane Bouguermouh l'explique par son attachement viscéral au pays natal. Tamurt est le premier lieu qu'il a appris à aimer durant l'enfance. Plus tard, le désir de s'accomplir le pousse vers la découverte du monde. A Paris, il va apprendre les métiers de l'audiovisuel. Il fait ses armes à l'ORTF (ex-Office français de radio et de télévision, ndlr) avec la perspective de réaliser plus tard ses propres films. Dans ce Paris des années cinquante, il fait des rencontres extraordinaires qui feront naître des amitiés durables. Le réalisateur évoque notamment Taos Amrouche et Malek Haddad. La femme artiste aux talents multiples va l'enchanter par sa voix et ses poèmes anciens jusqu'à faire germer en lui l'idée de lui consacrer un film qui ne verra jamais le jour. L'indépendance de l'Algérie, en 1962, suscite l'enthousiasme en lui et va le motiver à revenir au pays pour contribuer à son essor dans le cinéma et l'audiovisuel. La bureaucratie aura raison de ses projets face à son exigence intellectuelle réticente aux concessions. Il ne réalisera que peu de documentaires et de films, comme l'inoubliable Kahla ou Beïda pour la Télévision algérienne, hommage vivant à la ville de Sétif où il avait passé sa jeunesse. Mais le projet de sa vie reste l'adaptation au cinéma du roman de Mouloud Mammeri, La Colline oubliée. Le premier film en tamazight va passionner les publics mais épuiser son auteur. L'œuvre, accouchée au forceps, sera séquestrée par le patron de BRTV pour une histoire de droits alambiquée. Le documentaire Mon Frère, mon double qui attend les autorisations pour être vu en Algérie, a une valeur symbolique très forte. Il peut être considéré comme le testament de Da Dahmane.