Ce dimanche 10 juin, la Maison de la Culture de Béjaïa a abrité un émouvant hommage rendu au cinéaste algérien Abderrahmane Bouguermouh, le réalisateur bien connu du premier long métrage en tamazight, La Colline oubliée, tiré de l'œuvre de Mouloud Mammeri. C'est pratiquement la première fois qu'un hommage officiel est ainsi rendu à ce cinéaste iconoclaste puisque cette manifestation est patronnée par Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture et le wali de Béjaïa et parrainée les directions de la culture de Béjaïa, Tizi Ouzou, Bouira et Béchar. Cet hommage, qui a débuté vers 18 heures pour s'achever tard dans la soirée avec un concert de l'orchestre symphonique national, a eu lieu en présence d'un nombre important de figures connues du monde de la culture et surtout du cinéma comme les cinéastes Ammar Laskri et René Vautier. Après la prise de parole des uns et des autres, des cadeaux, consistant en œuvres d'art, ont été remis à au vieux cinéaste visiblement ému, par plusieurs institutions et associations culturelles. Né en 1936 à Ighzer Amokrane, dans la vallée de la Soummam, Abderrahmane Bouguermouh a commencé par réaliser des émissions pour l'ORTF après des études à l'Institut des Hautes Etudes cinématographiques à Paris. En 1965, il tourne " Comme une Ame ", un premier moyen métrage en berbère mais le film sera refusé par le ministère de la culture de l'époque qui exigera une version en arabe. En 1968, il dépose " la Colline oubliée " à la commission de censure et précise que le film ne se fera qu'en kabyle. Rejeté sans explications, ce projet ne se concrétisera qu'en 1989, au terme d'un formidable élan de solidarité de la part de la population et d'intellectuels qui s'engagent aux côtés de Bouguermouh qui consentira beaucoup de sacrifices pour achever le film. Bien avant ce film qui rentrera dans l'histoire, Bouguermouh réalisera, en 1978, " Les oiseaux de l'été " et kahla Oua beida " pour la télévision ainsi que " Cri de pierre ", son premier long métrage qu'il achèvera en 1987. Artiste à la sensibilité exacerbée autant que militant pleinement engagé dans le combat identitaire, Abderrahmane Bouguermouh a côtoyé tous les intellectuels rebelles de son temps comme Mammeri, Issiakhem, Kateb Yacine, Malek Haddad, Taos Amrouche et tous ceux qui ont refusé de se couler dans les moules idéologiques du système politique algérien pour défendre une culture authentiquement algérienne. Aujourd'hui, vivant presque en reclus dans la maison familiale à Ighzer Amokrane, Bouguermouh se consacre à l'écriture d'un livre en rêvant qu'un jour il aura, peut être, les moyens de faire le film qui lui tient le plus à cœur après la Colline Oubliée. Un film sur cette amie qu'il ne pourra jamais oublier : la sublime Taos Amrouche.