L'ensemble de ses films longs métrages, portent des messages d'une grande profondeur Attaché à sa culture sans rejeter celle des autres, le défunt Bouguermouh était un homme ouvert à l'universalité. Sollicité à s'exprimer, le lendemain de son admission à l'hôpital de Birtraria à El Biar, Alger, le mercredi 25 janvier dernier vers 14h, Abderrahmane Bouguermouh refuse de parler sur son lit d'hôpital. «Je ne peux pas parler. Car, si je parle, je dois réfléchir à ce que je dois dire sur un lit d'hôpital. Je ne veux pas dire n'importe quoi aussi» a répondu l'inoubliable Abderrahmane Bouguermouh pour sa dernière rencontre en compagnie d'Ali Mouzaoui, Mme Djamila Bouguermouh, alors que nous lui rendions visite pour la première et la dernière fois. La Kabylie en particulier et l'Algérie en général viennent de perdre encore une fois, un homme de culture de haut niveau. Mais, c'est une bibliothèque tout court qui vient de disparaître, sans pour autant tirer le maximum de leçons et de son expérience dans tous les domaines. Homme de paix et de principes nobles, Bouguermouh est le réalisateur du premier film en langue amazighe, La Colline oubliée. L'ensemble de ses films longs métrages, portent des messages d'une grande profondeur. «Lorsque j'ai réalisé le film Kahla ou Beida (Noir et Blanc), tout le monde pensait que je parlais de l'équipe de Sétif qui porte ces deux couleurs et que je respecte beaucoup. Le message du film était autre, il concerne la politique du pays qui ne donne pas la diversité et le choix au peuple», nous a-t-il révélé un jour chez lui à Ighzer Amokrane. Au sujet de l'avancée des revendications amazighes, le défunt Bouguermouh reste insatisfait, malgré les acquis. «Le pouvoir a donné des miettes en réponse aux revendications démocratiques et identitaires. Nous n'avons toujours pas une académie en langue amazighe qui prend en charge les études scientifiques», répète-t-il souvent. Attaché à sa culture sans pour autant rejeter celle des autres, le défunt était un homme ouvert à l'universalité. Pour l'histoire de la Guerre de libération nationale, la maison des parents de Abderrahmane Bouguermouh, a été érigée en bureau de secrétariat, lors du Congrès de la Soummam, le 20 Août 1956 au village Izemourene. Né en 1936 à Ighzer Amokrane dans la wilaya de Béjaïa, ce grand homme a rendu l'âme ce 3 février 2013 à Alger. Le défunt cinéaste a dû faire le tour des villages de la Kabylie et de l'Algérie profonde pour donner naissance à la première image cinématographique en langue kabyle, pour emboîter le pas au regretté Mouloud Mammeri qui a dit: «Nous avons tracé les premiers jalons de la berbérité, à vous de continuer.» La génération postindépendance, n'oubliera jamais les sacrifices du passé. Bien au contraire, cher et inoubliable homme de culture qui a redonné vie et sens à toutes les collines oubliées. Repose en paix Da Abderrahmane. Témoignages d'anciens compagnons Ali Mouzaoui, écrivain et cinéaste «Je ne trouve pas quoi dire. Nous avons étés ensemble à l'hôpital Birtraria à El Biar. Nous avons vu la situation tous les deux. Maintenant, il faut attendre au plus tard, le mois d'avril prochain pour voir le film qui a été réalisé pour lui, afin de le connaître dans toutes ses dimensions humaine, cinématographique et créative», a répondu Ali Mouzaoui producteur du film documentaire sur la biographie du défunt Abderrahmane Bouguermouh. Très affecté et abattu, d'une part par le décès de son ami, et d'autre part, conforté par la connaissance de la véritable personnalité de cet homme qui n'a jamais abdiqué ses principes identitaires et culturels. «Long d'une durée de 52 mn, le film documentaire devra passer à l'étape de mixage et autres retouches cinématographique, avant d'être diffusé au grand public», a ajouté M.Mouzaoui. Ali Sayad, anthropologue Joint par téléphone, Ali Sayad, anthropologue et écrivain, dira à propos de Abderrahmane Bouguermouh. «Je l'ai connu en 1959. Il était régisseur à la radio et moi jeune, j'apprenais avec lui. Bouguermouh s'est spécialisé ensuite dans le cinéma et moi dans l'anthropologie. Mais, j'ai gardé des liens très proches avec lui», a-t-il dit. «Bouguermouh a donné un serment moral au défunt écrivain Mouloud Mammeri, pour adapter le roman, la Colline oubliée au cinéma, et il a tenu sa parole jusqu'au bout», a-t-il ajouté consterné.