-Le monde célèbre la Journée mondiale des maladies orphelines. Qu'en est-il de la prise en charge des patients suivis dans votre service ? En néphrologie comme en pédiatrie, en neurologie et en hématologie, il y a de nombreuses maladies orphelines, très souvent héréditaires, qui touchent les reins. Les maladies orphelines, avec une atteinte rénale prédominante ou majeure, les plus fréquemment rencontrées dans notre pays sont : la maladie de Fabry, le syndrome hémolytique et urémique génétique (ou SHU atypique), l'Hémoglobinurie paroxystique nocturne (ou HPN), la cystinose, la néphronophtise, le syndrome d'Alport, les syndromes néphrotiques génétiques. Dans le service de néphrologie du CHU de Hussein Dey, nous avons un très grand nombre de patients (enfants et adultes) qui sont pris en charge et beaucoup bénéficient des traitements novateurs les plus récents, dont certains coûteux et hautement spécifiques. Ces maladies rares et leurs médicaments, «orphelins» eux aussi, doivent rester l'apanage de services hautement spécialisés, qui ont la compétence scientifique nécessaire et également une maîtrise de ces thérapeutiques délicates à manier. Le nombre de patients et de familles diagnostiquées ne cesse de croître ces dix dernières années, et pour cause ! Le niveau de connaissance de nos médecins allié au développement des tests diagnostics dans les laboratoires de biochimie, d'anatomo-pathologie, de cytologie, d'immunologie et de génétique permettent de prendre dans les filets de notre médecine de plus en plus de cas qui étaient souvent méconnus et non diagnostiqués. En néphrologie, les maladies rénales conduisent très souvent à la destruction progressive des deux reins, à la dialyse et à transplantation quand cela est possible et, malheureusement, assez souvent à des décès précoces (morts prématurées injustes !) qui peuvent «décimer» certaines familles. -Certains traitements sont pratiquement en rupture. Quelles sont les conséquences sur l'état de santé des patients ? L'Algérie compte parmi les rares pays du Maghreb et d' Afrique qui prennent en charge les maladies orphelines, même les plus coûteuses. Chez nos voisins, les rares malades traités le sont par «compassion» et reçoivent les médicaments «orphelins», on va dire, «gratuitement» par les fournisseurs.Il est bon de le souligner et de rappeler que les efforts financiers consentis sont colossaux. Pour ne citer que les maladies rares de néphrologie, les médicaments pour la maladie de Fabry, la cystinose, les syndromes néphrotiques sont enregistrés, importés et «distribués» gratuitement aux familles. Il est vrai que pour les SHU atypiques et l'hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN), le médicament qui permet de les sauver n'est pas encore enregistré (Eculizumab), mais c'est en cours...Comme il n'est pas enregistré, il n'est ni en rupture ni en pénurie ! En revanche, il est maintenant devenu indispensable et, malgré son coût, nous espérons le voir mis à la disposition des patients. En 2011 et 2012, nous avions traité des patients par Eculizumab acheté par notre tutelle sous ATU (Autorisation temporaire d'utilisation). Les résultats étaient sans appel. Nous avons recensé, en 2013 en Algérie, une vingtaine de patients atteints d'HPN et 12 autres atteints de SHU atypique. Je voudrais également insister sur le collyre de cystéamine (Cystagon), très bon marché, qui permet d'éviter la cécité des enfants atteints de cystinose. Nous appelons de tous nos vœux son enregistrement et sa mise à disposition de ces enfants. -Quelles sont aujourd'hui les solutions que vous préconisez pour assurer une prise en charge optimale de ces maladies rares ? Il faut des centres et cliniques de référence, des laboratoires de référence, un registre des maladies rares, une cellule interministérielle pour les maladies rares, des pharmacies hospitalières spécialisées de référence et leur enseignement dans les facultés de médecine et de pharmacie. Les associations de malades et les médias ont un grand rôle à jouer. Nous pouvons nous inspirer des pays qui ont mis en place toutes ces structures de base pour donner une visibilité et des projections à notre tutelle et à nos financiers. Naturellement, la prévention est la seule solution à long terme, grâce au conseil génétique, grâce aux chercheurs cliniciens et biologistes qui dépisterons les cas index ou multiplex. Nous passerons progressivement de la phase actuelle, marquée essentiellement par le diagnostic phénotypique (on attend les symptômes et on traite) vers la phase de diagnostic génétique précoce. Nous avons toutes les raisons d'être optimistes et de donner de l'espoir à tant de patients et de familles.