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Les parents d'enfants malades s'en remettent à la solidarité citoyenne
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Publié dans El Watan le 06 - 03 - 2014

«Nos responsables se soignent à l'étranger et nos malades crèvent en Algérie», disent-ils.
Les mains dans les poches de sa veste de jogging bleu nuit, le regard timide, Hayat passe la plupart de son temps à la maison, dans son village d'Adrar, dans la commune d'Aghribs (Tizi Ouzou). Scrutant les murs à longueur de journée, elle attend des nouvelles positives de la prise en charge à l'étranger qui la libérerait de sa maladie. Agée de 14 ans, elle souffre depuis juillet 2012 du syndrome d'activation macrophagique (SAM) dont le seul remède est une greffe de moelle osseuse. L'adolescente nécessite absolument une prise en charge à l'étranger pour espérer une guérison.
Nous avons tout fait pour la transférer à l'étranger, cette pathologie n'étant pas soignée en Algérie, pour les mineurs. La commission médicale a exigé un schéma thérapeutique à verser à son dossier, mais c'est impossible du moment que même les produit avec lesquels on réalise les analyses sont indisponibles», dit le père de Hayat, d'un ton qui cache mal une profonde tristesse. Traversant le patio de la maison, il se rend dans une autre pièce de cette modeste demeure pour nous montrer la photo d'une fillette souriante, joviale, portant un serre-tête orné d'une rose. «C'est sa petite sœur, sur la photo. Elle est décédée à l'âge de 11 ans de la même maladie.»
Visiblement, dans cette maison, tous refusent de baisser les bras, car il faut absolument sauver la sœur ainée. C'est le début d'un formidable élan de solidarité jamais égalé en matière d'organisation, qui a abouti à rassembler la somme dont rêvait Hayat. Une histoire qui mérite d'être racontée, celle de deux cousines qui avaient décidé d'écrire un appel et de l'afficher sur les murs des agglomérations de la région (Azazga, Tizi Ouzou, Bouzeguène, Fréha...) entre autres. La sœur ainée raconte : «Au début, c'était difficile, car ce n'était pas évident de convaincre les gens à adhérer. Nous avions juste mis quelques affiches, mais cela n'a pas laissé indifférent les gens, qui venaient se renseigner.
Et lorsque mon frère est rentré du Sud, c'est là que nous avons pris la décision de lancer un appel, profitant de la fête de Yennayer, pour sensibiliser les villageois d'abord. Un appel a été suivi d'une assemblée générale du comité de village, qui a pris en charge cette action.» Le maire d'Aghribs, Rabah Irmech, est très respecté et aimé des citoyens de la région. Ne pouvant pas rester indifférent à cet appel, il écrit au wali de Tizi Ouzou pour obtenir une autorisation afin organiser une quête. Peine perdue : les quêtes sont seulement autorisées pour les associations religieuses. «Sur le plan réglementaire, ce n'est pas légal d'organiser une quête pour soigner un malade, mais on ne pouvait pas laisser une famille sans ressources et les villageois seuls face à cette épreuve», dit le maire.
Encadrés par l'APC d'Aghribs, le comité du village d'Adrar et les citoyens des villages voisins, les initiateurs ont réussi à collecter, à travers la wilaya, la somme de 30 000 000 DA (3 milliards de centimes), l'équivalent d'environ 200 000 euros. Ainsi, le devis initial établi par l'hôpital Necker, en France, où devait être transférée Hayat, était atteint. «Tous le monde y a contribué, rien n'a été laissé au hasard : en plus des médias qui ont grandement contribué par des annonces et des reportages, les mosquées, les commerçants ont été sollicités. Des jeunes bénévoles ont sillonné les places publiques, marchés, les quartiers et les villages.»
«Nos responsables se soignent à l'étranger et nos malades crèvent en Algérie»
Des bénévoles ont même été aperçus, pancarte sur la poitrine et boîte en main, dans les embouteillages de la RN12 pour quêter un peu de monnaie auprès des automobilistes. «Nous avons parcouru les 67 communes de la wilaya et au delà», ajoute un membre de l'association de village. Des pages ont été ouvertes sur les réseaux sociaux, où les internautes expriment leur soutien de différentes façons. Comme cet internaute qui brandit une pancarte sur laquelle on peut lire : «Nos responsables se soignent à l'étranger et nos malades crèvent en Algérie.» Soulagé, Omar (le frère de Hayat) dit que «toutes les procédures administratives nécessaires pour le transfert de Hayat en France sont achevées».
Omar, qui veille au suivi de cette affaire, estime que «le grand souci du financement de l'opération est réglé. Et ce, grâce aux dons des bienfaiteurs, des bénévoles, au travail de fourmi des citoyens de toutes la wilaya, de nos villageois et des élus de la commune».
Quant à Hayat, l'espoir lui est enfin permis. A l'heure actuelle, son dossier médical est en cours d'évaluation au niveau de l'hôpital de Necker pour déterminer si la prise en charge de Hayat sera organisée chez les adultes ou chez les enfants. Toute souriante, Hayat soupire : «J'ai hâte de reprendre ma vie d'avant, de reprendre mes études.»
«L'état algérien nous a abandonnés»
Dans la même région, un autre enfant, collégien, se bat contre la maladie. Il s'agit de Hassan Bouaziz, originaire de Larbaâ Nath Irathen, atteint d'une maladie dont le nombre de cas déclaré se compte sur les doigts d'une seule main. Il s'agit du syndrome de Prader-Willi (SPW) qui touche une personne sur 25 000 dans le monde. Un handicap sévère qui se manifeste par des troubles cognitifs, psychiatriques, du sommeil ainsi que respiratoires. Son père, Yahia, ne sait plus à quel saint se vouer. Il déclare : «J'ai frappé à toutes les portes, n'oubliant aucune institution de l'Etat, en passant par la CNAS, qui nous a notifiés, par la voie de la commission médicale nationale, la non-éligibilité de mon fils pour une prise en charge à l'étranger. L'Etat algérien nous a abandonnés.»
Face à cette situation, une campagne de solidarité a été organisée, grâce à laquelle Hassan Bouaziz a été hospitalisé à l'hôpital des enfants de Toulouse, en France, en 2010. Nécessitant une prise en charge multidisciplinaire de longue durée, les moyens financiers n'ont pas suffi. L'état de santé de Hassan Bouaziz va de mal en pis ; il a atteint le poids de 190 kilos. Ses membres inferieurs commencent à présenter des déformations. «La vie de mon fils ne tient désormais qu'à un appareil qui l'aide à respirer, auquel il s'accroche toutes les nuits», lâche, désespéré, Yahia Bouaziz.
Là aussi, la solidarité s'est substituée aux pouvoirs publics. Après 16 ans de tourmente, le comité local du Croissant-Rouge algérien (CRA) et les citoyens de la commune ont décidé de prendre les devants. En collaboration avec l'APC de Larbaâ Nath Irathen, des galas artistiques sont organisés depuis le mois de janvier afin de réunir des fonds. Les réseaux sociaux s'emballent, des bienfaiteurs anonymes, apprenant la nouvelle à travers notre journal, destinent des dons à Hassan Bouaziz… Des boîtes sont déposées chez les commerçants pour collecter la monnaie. Hassan Bouaziz, grâce à cet argent, va pouvoir être pris en charge dans une clinique privée, dans le sud du pays, afin de traiter son obésité avant qu'il ne soit transféré dans un centre spécialisé à Toulouse, en France.


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