Le dévergondage de langage politique qui frappe ces derniers jours de façon caricaturale les discours d'hommes politiques, perçus en principe «responsables» d'importance, est mis en œuvre à la suite des petites phrases et jeux de mots de goût douteux du directeur de campagne de M. Bouteflika. Une année après les essais tonitruants de M. Sellal, des collègues à lui s'y essaient. Chacun se prenant pour un Coluche français, ou un Abdelkader Secteur. Cette stratégie de communication politique séduction, trop vite pratiquée fait l'économie d'une réflexion responsable et de la nécessité de rendre des comptes aux citoyens. De fait, un Premier ministre de la République a ainsi ouvert en grand «les vannes»; sans respect de minima de morale politique, créant une anomie qui risque de s'amplifier en foire d'empoigne. Pendant ce temps, le Secrétaire général Saadani, du parti FLN (glorieux totem de nationalisme, et en principe référent de morale politique), a gonflé à sa façon les bruits et invectives contre d'autres figures du sérail. Le second point de contextualisation est la déferlante d'idéologies populistes sur la société algérienne. La recette : rien n'est sérieux, rire de tout, et à quoi bon vouloir changer des choses, et surtout être sérieux en politique, et s'y intéresser sérieusement ? Le chemin d'accès au degré zéro de la communication est ainsi ouvert, ce type de discoureur disposant de micros et caméras ouverts se met en challenge de surenchère d'approximations dans l'interprétation des réalités et coups bas pour réduire les voix discordantes — perçues ennemies en fait. La relative ouverture du champ de l'expression advenue notamment depuis quelques années se retrouve ainsi détournée de son objectif essentiel : permettre la construction de l'espace public exprimant une diversité élargie des opinions et des informations sur la société algérienne. En lieu et place s'y incruste une cacophonie. Tout tend à postuler que celle-ci ira se développant en volume et en adeptes de discoureurs populistes. L'explosion des moyens de communication sociale via l'Internet et la numérisation des messages (Les sketches de Sellal sur YouTube en sont symptomatiques…) renforce la dynamique. Faut-il en pleurer ou en rire? Ou en rire jaune ? C'est assez complexe. D'un côté, il y a là en partie une libération de la parole populaire en réaction aux pitreries des dirigeants ; mais aussi une désastreuse casse des fondements mêmes de la communication politique gouvernants/gouvernés. La dérision n'est pas l'humour. La première est loin d'être positive dans la construction du lien social, tout comme de la relation interpersonnelle ; de plus, elle est souvent bête et agressive, donc en déficit d'humanité. L'humour est souvent le produit d'une recherche intelligente de mots et de réaction pertinente, constructive de réalités, afin de les transcender. L'humour rassemble contre l'adversité des choses quand il vient en fleur sur un discours politique porteur de raison et de conviction ; il attire l'attention et met en partage des valeurs. La dérision peut rimer avec corrosion de la communication ; elle frappe au-dessous de la ceinture. Le torrent nauséeux de mauvais mots d'un trop grand nombreux «d'hommes politiques algériens» risque de détourner trop de nos concitoyens des lancinantes questions de l'heure, et d'abord celle de forger les moyens à même de consolider le respect de la dignité humaine — une et indivisible dans le monde.