S'il arrive au luthier de prendre le violon, ce n'est pas pour en jouer mais pour restaurer la partie endommagée de cet instrument à cordes. Il arrive aussi que le luthier ne prenne que du bois d'ébène, d'érable et de sapin, et au bout de 350 heures de travail bien léché, c'est un violon tout rutilant qui en sort. Plus prosaïquement, le luthier est un artisan qui gagne honnêtement sa vie en restaurant les vieux violons ou en les fabriquant. Ce n'est pas aussi simple, car la lutherie est l'un des métiers les plus difficiles. Si l'on croit Abdelkader Tirsane, pour devenir luthier, il faut remplir deux conditions : connaître l'italien et être musicien, de préférence violoniste. Ces deux conditions ouvrent la voie à un concours qui ouvre à son tour les portes de l'école internationale de lutherie de Crémone, en Italie. La formation, qui dure 4 ans, ne permet pas de recevoir plus de 24 stagiaires à la fois et un de chaque pays, nous assurait notre luthier. Crémone, cette belle ville italienne de 200 000 habitants environ (Abdelkader est revenu en 1989), doit sa richesse à l'artisanat et aux terres agricoles irriguées par le PB (vallée qui doit son nom à ce fleuve italien), a donné naissance à des luthiers de renom tels Stradivarius, Guamerius, etc. Tirsane a également suivi une formation d'archetier (fabricant d'archets). Cela permet de faire un métier complet. Mais où exercer quand il y a si peu de musiciens ? Notre luthier s'en tire en exerçant le métier de professeur de musique à l'Institut national de musique d'Alger et de restaurateur de violons à l'Institut régional de musique d'Alger. Le seul violon qu'il a vendu à un étudiant à crédit a été offert ou vendu par celui-ci à un célèbre collectionneur français. D'après ses calculs, le prix de revient d'un violon est estimé à plus de 400 euros. L'importation du bois précieux entrant dans la fabrication du violon est un autre facteur dirimant à l'exercice de ce métier difficile. Le violon est un instrument qui appartient à une tradition musicale universelle, commentait notre luthier. « Nous avons des luths, des mandoles, des mandolines et des guitares que nous fabriquons nous-mêmes, mais jamais le violon », soutenait-il. Le rbab (instrument arabe) est l'ancêtre du violon. Ce dernier est apparu vers 1510 à Crémone grâce à la dynastie des Amati, qui exercèrent la lutherie de père en fils sur trois générations. Tirsane Abdelkader exposait des violons à l'occasion du 2e colloque sur l'art et l'artiste. Pour nous donner un avant goût musical de ses instruments, il a invité le si jeune Sid Ali à exécuter un morceau de Shéherazade de Rimski Korsakof.