Passion n Au pays de la rumba, des Congolais jouent Mozart avec les moyens du bord. Dans un quartier populaire de Kasavubu, à Kinshasa, capitale de la rumba, résonne le Requiem de Mozart, interprété par l'un des rares orchestres symphoniques d'Afrique. A trois par pupitre parfois, les contrebassistes et les clarinettistes jouent pieds nus, serrés sur des bancs d'église. Les violons font leur possible pour ne pas donner de coups d'archet à leurs voisins de pupitre et les trombones des coups de coulisse aux altos qui sont devant eux. Au programme, ce soir, le Requiem de Mozart et le déchiffrage de Casse-Noisette de Tchaïkovski. La partition n'est pas simple, mais, dès la première lecture, les musiciens respectent «piano» et «forte». Seul le son, un peu nasillard, révèle que les instruments ne sont pas passés récemment chez le luthier. «Ici, il n'y a pas de luthier et on s'en sort», explique Pauleth Masamba, violoniste. «On ne trouve pas de vraies cordes. Alors je fabrique des cordes à ma manière, avec des câbles de vélo, mais ils doivent être fins», affirme Albert Matubanza, administrateur de l'orchestre et professeur de musique. Pour les crins de l'archet, faits traditionnellement à partir de la queue d'un cheval, il improvise aussi. «Je prends du fil de pêche 0,25 mm», explique-t-il. «ça donne du son, mais ce n'est pas très bon», reconnaît le chef de pupitre des deuxièmes violons, Patrick Lumuesadio. L'orchestre a été créé en 1994 par Armand Diangienda, un Congolais, ancien pilote d'avion qui a voulu exaucer la volonté de son père : monter un orchestre symphonique dans l'ex-Zaïre. Ce jeune homme de 25 ans a appris le violon avec des instructeurs autodidactes qui ont formé la quasi-totalité des quelque 200 musiciens de l'orchestre. «J'ai lu des méthodes et regardé les musiciens à la télé», raconte, avec une extrême modestie, Albert, qui enseigne gratuitement le violon, l'alto, le violoncelle et la contrebasse. Pour trouver des instruments, dit-il, «on se débrouille». Comme pour le reste. «Des fois, on a la chance de trouver de vieilles personnes, des blancs qui nous font cadeau de leurs instruments. Et on a fait une collecte pendant trois ans à l'église pour acheter plus de 100 instruments en Chine», explique Armand. «Pour les partitions, on commence à souffler. L'école de musique d'Evry (France), avec laquelle nous avons des contacts, nous envoie des partitions. Sinon, avant, on devait demander à un frère d'acheter une partition en Europe, et on s'amusait à tout recopier à la main, pour tous les instruments», se souvient-il. «On voudrait montrer qu'avec peu de connaissances et de moyens, mais avec la volonté, on peut arriver à quelque chose de bien», conclut Armand, surnommé le Maestro.