Il a fallu l'intervention des chefs de tribu pour faire baisser la tension et éviter le pire dans l'Est libyen, au bord de la guerre civile l La crise née du blocus des ports pétroliers n'a pas pour autant été réglée, malgré la formation d'une commission censée reprendre le contrôle des ports. Tunis (Tunisie) De notre correspondant Le déplacement de Benghazi à Ajdabiya de cheikh Salah Attiouch, chef de la tribu Al Magharba, majoritaire dans cette région, ainsi que la venue d'autres chefs de tribu et notables de Barqa, ont permis de trouver un terrain d'entente pour résoudre, par les négociations, le conflit concernant le blocus des ports pétroliers. Concrètement, une commission a été formée pour étudier les moyens de faire reprendre à l'Etat le contrôle desdits terminaux. Il a été également décidé de renvoyer les troupes belligérantes à leurs casernes pour éloigner le spectre de la guerre civile. Pour ce qui est de la reprise des exportations pétrolières, c'est une autre question beaucoup plus complexe, car elle est en rapport avec la répartition de la rente. Cet accord a rejailli sur le mouvement de troupes dans la zone de tensions aux alentours de Syrte, Ajdabiya et Brigua, soit sur la frontière historique entre la Tripolitaine et la Cyrénaïque. Ainsi, l'unité Ali Hassen Jabeur, commandée par le colonel Abou Ghafir, qui est venue il y a deux jours prendre place à Ajdabiya, est retournée dans ses camps d'Al Baydha, situés à plus de 350 kilomètres à l'Est, de l'autre côté de la ville de Benghazi. Retour au calme C'est le colonel Béchir Abou Dhafira, commandant des troupes «légales» positionnées dans cette région, qui a annoncé ce retour à la normale sur le terrain. «Les troupes de Brahim Hadhrane (président du présumé gouvernement indépendant de Barqa) ont également regagné leurs campements suite à l'accord entre les chefs de tribu», a-t-il précisé. Abou Dhafira avait auparavant contesté ces mouvements de troupes, considérant son régiment l'unique à disposer de l'aval de l'état-major et soupçonnant «une manipulation de la présidence du Conseil national général, qui est à la solde de parties connues», en insinuant les Frères musulmans. Des affrontements ont opposé les troupes de Abou Ghafir à celles de Hadhrane dans la nuit de vendredi à samedi, aux environs de Ajdabiya. Ils se sont soldés par un décès et une dizaine de blessés. «Il est certain que la voix des sages de toutes les tribus libyennes ont permis jusqu'à présent d'éviter la guerre civile. Mais cela ne saurait s'éterniser. Les Libyens doivent passer aux urnes pour dépasser cette phase d'absence de légitimité, concrétisée par le rejet du Conseil national général», estime Naïma Jibril, la juge, militante de la société civile à Benghazi. Et les assassinats ? Par ailleurs, dans le cadre de la lutte contre la vague d'assassinats qui ne cesse de frapper la Libye, notamment les villes de Benghazi et Derna, le porte-parole du premier bataillon de l'infanterie, Achraf Raded, a déclaré à El Watan que «les forces spéciales de Benghazi ont arrêté, hier, trois membres d'une cellule qui projetaient d'assassiner Faouzi Sallabi, l'un des commandants du bataillon. La même cellule avait essayé, la veille, de kidnapper le fils de ce commandant». La voiture saisie avait, selon la même source, les vitres opaques et contenait des armes, des cagoules et des gilets pare-balles, alors qu'une autre voiture, appartenant apparemment à la même cellule, a réussi à prendre la fuite. Cette action traduit un début laborieux de reprise par l'Etat de l'initiative sécuritaire. «Mais, avec la prolifération des armes, le chemin est encore très long», constate l'avocate du barreau de Benghazi, Leila Bouguiguis. La Libye continue ainsi à vivre une valse dangereuse, balancée qu'elle est entre les intérêts des diverses puissances internationales, concrétisés sur le terrain par une multitude d'intérêts partisans. Tout cela en attendant que la voix de la raison mène de nouveau la Libye vers des élections libres et démocratiques.