Spécialiste des médias et professeur à l'Ecole nationale supérieure de journalisme et des sciences de l'information d'Alger, Belkacem Mostefaoui estime qu'un leader politique qui cherche des voix doit assumer la responsabilité de provoquer des débats contradictoires. -En tant que spécialiste, quelle analyse faites-vous de la communication dans les discours des candidats durant la campagne électorale pour le scrutin du 17 avril ? Les discours des candidats à l'élection présidentielle sont marqués par très peu de caractère. Ils peuvent être interchangeables. Ils sont une production d'idéologie populiste au sens qu'ils ne cherchent pas à susciter la réflexion. Un leader politique qui cherche des voix doit assumer la responsabilité de provoquer des débats contradictoires, alors que nous sommes dans des discours propagandistes. On veut maintenir la société algérienne dans des réflexes de Pavlov. -Quelle est, selon vous, la stratégie de communication adoptée par les candidats pour tenter de convaincre les électeurs ? Les staffs des six «offices de distribution de parole» durant la campagne électorale sont dans une situation de bricolage. Ils sont dans une logique de cafouillage, sans grande innovation. Il y a beaucoup d'improvisation. Les candidats ont le sentiment que les jeux sont faits. Pour eux, le vote sera seulement une formalité. La seule direction de campagne qui soit bien préparée est celle de Bouteflika, et ce, en raison des moyens de l'administration, de la désignation du Premier ministre comme locuteur du président-candidat et l'expérience de l'effectif puisqu'il s'agit de la quatrième candidature. Ce n'est d'ailleurs pas réglementaire. -Les candidats utilisent-ils suffisamment les nouveaux médias dans le cadre de leur campagne électorale ? Les nouveaux médias, qui peuvent virtuellement enrichir les capacités de communication sociale et politique en Algérie, sont maintenus dans des limites qui ne leur donnent pas cette prévalu. Les outils de la communication sont fabuleux, mais faudrait-il y mettre des dosages démocratiques ? Un Etat autoritaire comme celui qui règne sur l'Algérie ne peut pas produire la libéralisation de la communication, même en 2014. Internet offre des capacités de construction de réseaux sociaux, au sens qu'il est facile de composer des phrases, de poster des photos et des images, mais il est beaucoup plus difficile de construire un raisonnement, une conviction politique. Dans l'urne, le bulletin de vote est le produit d'une conviction politique informée. -Comment voyez-vous l'impact possible de la communication des candidats sur l'après-17 avril 2014 ? On ne voit pas les contenus de la campagne électorale en Algérie comme cela se passe dans le monde développé. C'est un autre mode. Dans notre pays, il y a ceux qui veulent fabriquer un 4e mandat à un candidat qui est absolument hors normes au regard des règles universelles de la démocratie. Il faut faire du printemps 2014 une période de transition, avec des élites nationales. Nous en avons beaucoup. Nous devons aussi fédérer des manières de voir afin d'aller vers de nouvelles manières de réaliser rapidement le passage de l'autoritarisme et du blocage politique vers une situation qui va fédérer les référents de patriotisme et de développement de l'Algérie. C'est peut-être un rêve, mais il faut garder «l'optimisme de la volonté». -Y a-t-il, selon vous, une différence entre la communication dans les discours des candidats à la présidentielle de 2009 et celle des postulants à la magistrature suprême en 2014 ? La société algérienne a évolué bien plus dans son développement que ce que l'autoritarisme d'un 4e mandat veut lui imposer. Il y a disproportion entre ce qu'il faudrait imposer à la société et ce que la société elle-même est devenue au bout de cinq ans.