Le candidat Benflis, qui apparaît aux yeux des analystes le mieux placé pour gêner Bouteflika et faire avorter son coup de force électoral pour un 4e mandat, réussira-t-il à provoquer le big bang le 17 avril ? «Nous avons la clé» pour déverrouiller le système, n'a-t-il de cesse de répéter tout au long de sa campagne électorale. Benflis compte, pour se faire élire, sur un sursaut populaire, un vote-sanction contre le règne et le bilan de Bouteflika duquel il a puisé les arguments forts de sa campagne. Il reste à quantifier ce portefeuille de voix qu'il pourra capter au-delà de ses partisans, notamment parmi les déçus du long règne de Bouteflika. La gestion populiste de Bouteflika, qui a bâti sa stratégie de maintien au pouvoir sur la surenchère politique par l'accès au logement, les crédits et autres largesses infinies combinées aux nombreuses promesses à venir, est un facteur qui pèsera sans doute dans le décompte des voix. Mais il faut se garder de caricaturer ou d'insulter l'intelligence de l'Algérien ! On ne fait pas nécessairement d'un acquéreur de logement AADL ou d'un souscripteur sur une liste d'attente un obligé servile et un électeur potentiel de Bouteflika. Mais a contrario, la question se pose aussi de savoir si Benflis et les autres candidats ont réussi, à l'occasion de cette campagne, à faire passer auprès de l'opinion les messages de changement, d'alternance au pouvoir, d'instauration d'une nouvelle République. L'appel au boycott lancé par certaines formations politiques, qui ont une base électorale même si elles n'ont pas l'ancrage des partis au pouvoir, le non-positionnement d'un parti populaire comme le FFS, la stratégie adoptée par le mouvement Barakat pour qui le véritable combat pour le changement commence le 18 avril s'en ressentiront fatalement le jour du vote. Ce sont autant de voix en moins qui ne tomberont pas dans l'escarcelle de Benflis et des autres candidats de «l'opposition». Dans l'absolu, tout laisse penser que l'option du boycott fera le jeu de Bouteflika. Au milieu de ce pessimisme ambiant mêlé d'un fort sentiment de défaitisme, justifiés au demeurant quand on a en mémoire le viol des urnes par lequel Bouteflika est arrivé à chaque fois à se faire élire, il y a beaucoup d'Algériens – peut-être trop idéalistes ? – qui veulent croire que l'enjeu vaut tous les engagements et tous les combats. Même les plus utopistes. Les fraudeurs sont cette fois-ci avertis : Benflis vient d'annoncer la mobilisation d'une armée de 60 000 contrôleurs qui placeront les bureaux de vote sous haute surveillance. Le miracle est-il possible ? Un second tour est-il envisageable ? La campagne de Bouteflika, qui est loin d'être pavée de roses, comme en témoignent les échos des meetings chahutés et annulés dans plusieurs wilayas, est un signe révélateur que la société est en mouvement. Des repositionnements et des initiatives allant dans le sens de la convergence des forces qui militent pour le changement, qu'elles soient partie prenante ou non du processus électoral, ne sont pas à exclure dans la perspective du vote du 17 avril, entre les deux tours, dans le cas où ce scénario venait à se produire, ou après, si le système est reconduit.