Les travailleurs de l'entreprise pétrolière Sonatrach observent depuis le 14 août un large mouvement de protestation dans le sud du pays. Pour exprimer leur mécontentement vis-à-vis de la prime d'intéressement de l'année 2003 évaluée entre 50 000 et 83 000 DA, ils boudent... les cantines. Une première action, insolite au demeurant, mais qui engendre une situation très tendue, particulièrement dans les bases de vie de Hassi Messaoud, Hassi R'mel et Tin Fouyé Tabankort. La grève, quant à elle, pourrait être déclenchée en septembre prochain. Un préavis a été adressé le 9 juin à la direction générale de l'entreprise. « La prime d'intéressement de l'exercice 2003 proposée aux travailleurs ne reflète guère l'aisance financière de la société qui, cette année, a engendré des bénéfices record », estime, dans un communiqué rendu public hier, la section syndicale UGTA de l'unité de production Sonatrach. Les travailleurs de l'entreprise nationale exigent l'alignement de leurs primes et bonus sur ceux pratiqués par les compagnies étrangères. A l'issue des assemblées générales tenues les 14 et 15 du mois en cours, dans les bases de vie Irara et 24 Février, ils ont fixé au PDG de l'entreprise un ultimatum de 15 jours l'enjoignant de se rendre sur les lieux afin de trouver une solution au conflit. Les pétroliers dénoncent la politique salariale « paradoxale » pratiquée par l'entreprise pétrolière nationale, tout en se référant à l'allocution de son PDG, Mohamed Meziane, prononcée le 4 avril dernier. « Nous avons clos l'année 2003 avec des résultats exceptionnels, les meilleurs dans l'histoire de Sonatrach », s'était-il enorgueilli. Grâce à une remontée en flèche des cours du baril de pétrole, l'entreprise a réalisé un chiffre d'affaires de 25,1 milliards de dollars, ce qui lui a permis de verser au Trésor public, à titre fiscal, la coquette somme de 1285 milliards de dinars. « Notre résultat net s'établit à un niveau de 292 milliards de dinars, en augmentation de 67% par rapport à l'exercice 2002 », avait indiqué M. Meziane. Des propos élogieux, mais qui ne justifient pas, selon la section syndicale, l'écart entre les catégories salariales. Encore moins la prime d'intéressement qui n'a pas changé par rapport à 2001 et 2002, d'autant que durant le premier exercice les cours du baril ont tourné autour de 19 dollars. « Déjà, le moral du collectif des travailleurs est très affecté et même sapé par la disparité créée par la non-cotisation des indemnités de zone et de conditions de vie (IZCV) pour le personnel soumis à la relève, une injustice qui dure depuis 1996 malgré les différentes interpellations et revendications exprimées aux autorités et instances concernées », explique le syndicat. Depuis cette date, une loi interdit en effet l'intégration de l'IZCV dans le calcul des retraites pour le personnel soumis à la relève, elle est prise en compte uniquement pour le personnel résidant en famille. La commission mixte, composée de représentants du gouvernement et de l'UGTA, chargée de trouver une solution à ce problème, a clos ses activités, la semaine dernière, en queue de poisson. Elle espérait régler ce problème au plus tard cette semaine afin de le soumettre pour approbation lors de la bipartite arrêtée à la première quinzaine de septembre prochain. Le représentant du ministère de l'Energie et des Mines a proposé pour la catégorie de travailleurs qui posent problème la suppression pure et simple de cette indemnité, une charge financière très lourde pour les entreprises, s'est-il justifié. Les dossiers de la Fonction publique et des retraites sont également restés en suspens, alors que le délai fixé aux commissions mixtes a expiré hier. Tous ces points litigieux seront donc directement soumis à l'arbitrage du chef du gouvernement. C'est dire la complexité du contexte social dans lequel intervient la bipartite : avant les pétroliers, les travailleurs des industries agroalimentaires et ceux de la SNTF ont, eux aussi, brandi la menace de débrayage.