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Juste un mot : Un jour sans
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Publié dans El Watan le 17 - 04 - 2014

En ce jour bien vide où il n'y a rien à faire ni rien à voir, où les quelques stades qui recevaient quelques jeunes pour quelques matchs gardent portes closes, alors que les autres spectacles, cinéma, théâtre, musique, lecture ont disparu depuis la naissance de ce troisième millénaire, il ne nous reste plus qu'à proposer à nos lecteurs de lire et relire, puis méditer ce magnifique texte de Kafka publié en 1915 au titre si simple et si éloquent : Devant la loi.
Devant la porte de la loi se tient un gardien. Ce gardien voit arriver un homme de la campagne qui sollicite accès à la loi. Mais le gardien dit qu'il ne peut le laisser entrer maintenant. L'homme réfléchit, puis demande si alors il pourra entrer plus tard. «C'est possible, dit le gardien, mais pas maintenant.» Comme la grande porte de la loi est ouverte, comme toujours, et que le gardien s'écarte, l'homme se penche pour regarder à l'intérieur : quand le gardien s'en aperçoit, il rit et dit : «Si tu es tellement attiré, essaie donc d'entrer en dépit de mon interdiction. Mais sache que je suis le dernier des gardiens.
De salle en salle, il y a des gardiens de plus en plus puissants. La vue du troisième est déjà insupportable, même pour moi.» L'homme de la campagne ne s'attendait pas à de telles difficultés ; la loi est pourtant censée être accessible à tous à tout moment, pense-t-il, mais en examinant de plus près le gardien dans sa pelisse, avec son grand nez pointu, sa longue barbe de Tartare maigre et noire, il se résout à attendre tout de même qu'on lui donne la permission d'entrer. Le gardien lui donne un tabouret et le fait asseoir à côté de la porte. Il y reste des jours, des années. Il fait de nombreuses tentatives pour être admis et fatigue le gardien par ses prières.
Le gardien lui fait fréquemment subir de petits interrogatoires, lui pose toutes sortes de questions sur son pays et sur bien d'autres choses, mais ce sont des questions posées avec indifférence, comme le font les gens importants ; et il conclut, à chaque fois, en disant qu'il ne peut toujours pas le laisser entrer. L'homme, qui s'est muni de beaucoup de choses pour ce voyage, les utilise toutes, si précieuses soient-elles, pour soudoyer le gardien. Celui-ci accepte bien tout, mais en disant : «J'accepte uniquement pour que tu sois sûr de rien avoir négligé.»
Pendant toutes ces années, l'homme observe le gardien presque sans interruption. Il oublie les autres gardiens et ce premier gardien lui semble l'unique obstacle qui l'empêche d'accéder jusqu'à la loi. Il maudit le hasard malheureux à voix haute et sans retenue les premières années. Par la suite, avec l'âge, il ne fait plus que grommeler dans son coin. Il retombe en enfance : étudiant le gardien depuis des années, il connaît même les puces de son col de fourrure, et il supplie jusqu'à ces puces de l'aider à fléchir le gardien.
Finalement, sa vue baisse et il ne sait pas s'il fait réellement plus sombre autour de lui ou bien si ce sont seulement ses yeux qui le trompent. Mais il distingue bien dans l'obscurité une lueur que rien n'éteint et qui passe par la porte de la loi. Alors, il n'a plus longtemps à vivre. Avant qu'il ne meure, toute l'expérience de tout ce temps passé afflue dans sa tête et prend forme d'une question, que jamais jusque-là il n'a posée au gardien. Il lui fait signe d'approcher, car il ne peut plus redresser son corps de plus en plus engourdi.
Le gardien doit se pencher de haut, car la différence de taille entre eux s'est accentuée nettement au détriment de l'homme. «Qu'est-ce que tu veux encore savoir ? dit le gardien, tu es insatiable.» «N'est-ce-pas, dit l'homme, tout le monde voudrait approcher la loi. Comment se fait-il qu'au cours de toutes ces années il n'y ait eu que moi qui demande à entrer ?» Le gardien se rend compte alors que c'est la fin et pour frapper encore l'oreille affaiblie, il hurle : «Personne d'autre n'avait le droit d'entrer par ici, car cette porte t'était destinée à toi seul. Maintenant, je pars et je vais la fermer.»

P. S : Elle n'était pas originale, elle était même hasardeuse l'idée de cette journaliste de la radio qui a donné comme titre à son émission pour participer à l'animation d'une campagne électorale indigente «52 minutes pour convaincre», alors que tout un régime politico-financier et ses nombreux dirigeants restent absolument fermés, que tout un appareil socio-culturel et ses milliers de responsables totalement insignifiants n'arrivent à convaincre personne depuis 52… années.


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